Les pertes d’effectifs et l’incapacité grandissante à recruter du personnel dans le milieu communautaire sont des défis bel et bien réels. Les enjeux liés au recrutement et à la rétention du personnel apportent leur lot de conséquences, y compris pour la population québécoise. Notamment, des organismes se voient contraints de réduire, voire d'abolir certains de leurs services.

Parmi de nombreux exemples, on peut penser au centre de prévention du suicide JEVI en Estrie, qui a été contraint de fermer sa ligne d’intervention téléphonique faute de personnel.

L’avenir s’annonce encore plus difficile. Le ministre Jean Boulet a mentionné que les effets de la pénurie de main-d’œuvre étaient de plus en plus inquiétants et qu’un creux historique était à prévoir en 2030. Le gouvernement reconnaît l’urgence d’agir et s’engage à stimuler l’emploi pour certains secteurs prioritaires, notamment le secteur public. Le milieu communautaire devrait aussi être considéré comme un secteur prioritaire.

Les organismes communautaires se voient confrontés à une réalité difficile et complexe. D’une part, la pénurie de main-d’œuvre qui touche tous les secteurs d’emploi les affecte. D’autre part, leur financement insuffisant les empêche d’offrir des conditions de travail convenables et concurrentielles.

Il n’est pas rare que des intervenantes qualifiées reçoivent des salaires d’environ 14 $ l’heure sans avantages sociaux.

Cette réalité nous inquiète considérant qu’une aggravation est à prévoir si le financement des organismes n’est pas bonifié significativement. À l’heure où le réseau public cherche désespérément du personnel, les organismes constatent une intensification des efforts de recrutement du réseau auprès des employé.e.s du communautaire.

Disparités salariales

Les nouvelles conventions collectives du réseau public vont accentuer l’attraction pour les emplois de ce secteur. Le salaire minimum dans le réseau atteint environ 23 $ l’heure. Dans le milieu communautaire, plusieurs organismes peinent à offrir 20 $ l’heure, et ce, sans assurances collectives ni régime de retraite. Les investissements colossaux annoncés dans la mise à jour économique pour accroître la main-d’œuvre du réseau public contribueront également à l’attraction pour ce secteur.

La Loi sur l’équité salariale fêtait ses 25 ans en novembre dernier. Grâce à celle-ci, les travailleuses du secteur public ont obtenu des bonifications salariales en fonction du principe d’équité salariale. Considérant que les femmes représentent plus de 75 % du personnel du milieu communautaire, ne serait-il pas justifié de réclamer des améliorations salariales en fonction de ce même principe ?

Devant ces constats, il est impératif que les travailleuses et travailleurs du milieu communautaire fassent partie des priorités gouvernementales. Les organismes constituent un maillon essentiel du filet social et leur personnel a droit à des conditions de travail décentes.

Une bonification du financement des organismes est urgente, surtout dans un contexte où l’indice des prix à la consommation a augmenté de 5,1 % au Québec.

Le sous-financement du milieu communautaire a des causes structurelles. Il est déplorable de constater un écart grandissant entre le taux d’indexation du financement des organismes et celui accordé au réseau public, lequel accentue l’appauvrissement des travailleuses et travailleurs du communautaire.

C’est pourquoi nous réclamons une indexation calculée en prenant en compte la valorisation des conditions salariales des travailleuses et travailleurs ainsi que les coûts de fonctionnement liés à la réalité de la gestion de nos organismes communautaires.

* Cosignataires : Marie-Line Audet, Table nationale des Corporations de développement communautaire ; Caroline Toupin, Réseau québécois de l’action communautaire autonome ; Mercédez Roberge, Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles ; Paule Dalphond, Regroupement des Auberges du cœur du Québec ; Lili Plourde, Fédération québécoise de l’autisme ; Alice Charasse, Société québécoise de la schizophrénie ; Catherine Jetté, Table régionale des organismes communautaires de la Montérégie ; Nicholas Legault, Regroupement des maisons de jeunes du Québec ; Diane Harvey, Association québécoise pour la réadaptation psychosociale ; Audrey Sirois, Regroupement des organismes communautaires québécois pour le travail de rue ; Roxane Thibeault, Regroupement des services d’intervention de crise du Québec ; Pierre Plourde, Association des centres d’écoute téléphonique du Québec ; René Cloutier, Réseau Avant de craquer ; Jérôme Gaudreault, Association québécoise de prévention du suicide ; Vincent Marcoux, Association québécoise des centres d’intervention en dépendance ; Lynda Poirier, Regroupement des Centres de prévention du suicide du Québec ; Julie Ouellet, Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec ; Jean-Pierre Ruchon, Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec ; Boromir Vallée Dore, Réseau solidarité itinérance du Québec

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