Il y a un peu plus d’un mois, nous avons tous accueilli avec soulagement la libération et le retour de Michael Spavor et de Michael Kovrig au Canada, et de Meng Wanzhou en Chine. Nous devons maintenant reconnaître que leur détention a eu un effet négatif sur les relations sino-canadiennes, qui sont désormais à leur plus bas en 50 ans. Il nous appartient de rebâtir cette relation.

Oui, des sentiments d’amertume, de méfiance et de ressentiment planent toujours de part et d’autre. Nous ne pourrons pas simplement reprendre les choses là où nous les avions laissées. Rétablir la confiance nous demandera du temps et de l’effort.

Il serait mutuellement dommageable et peu constructif de nous enfermer dans une rhétorique clivante et de nous détourner l’un de l’autre.

Plus que jamais, il est temps de s’écouter et d’apprendre, et non de se faire la leçon. Le « court-termisme » ne peut guider une relation aussi importante que la nôtre.

En tant que dirigeants d’entreprises canadiennes et chinoises, nous sommes des gardiens de cette relation.

Les deux parties ont des leçons à tirer des évènements des dernières années. Si on les intègre, dans le cadre d’un dialogue respectueux et en travaillant ensemble, nous progresserons pas à pas. Des transactions, des investissements et des partenariats mutuellement profitables font partie de la solution, mais nous devrions également encourager nos gouvernements à collaborer de nouveau.

Nous gagnons à travailler ensemble dans des secteurs comme l’agriculture, le tourisme, le développement durable, la coopération universitaire, les services financiers et les soins de santé. Ce processus nous aidera à rebâtir les liens et à envoyer des signaux positifs aux entreprises et aux marchés, mais aussi aux citoyens de nos deux pays.

Les défis mondiaux comme la pandémie, la lutte contre les changements climatiques, la mise en œuvre de solutions carboneutres et la prévention de cyberattaques nécessitent que nous travaillions ensemble.

Riche tradition

Nous ne devons pas perdre de vue le fait que le Canada et la Chine profitent d’une riche tradition politique, culturelle et économique qui unit nos deux pays depuis le XIXe siècle. Le Canada a été l’un des premiers pays occidentaux à accorder la reconnaissance diplomatique à la République populaire de Chine. Il a également soutenu son entrée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Les liens qui unissent nos citoyens sont tout aussi solides. Plus de 1,8 million de résidents canadiens, soit plus de 5 % de la population du Canada, sont d’origine chinoise.

Il serait tragique de rompre avec cet historique de confiance et de collaboration.

Il y a sans contredit des domaines dans lesquels nous avons et continuerons d’avoir des différends fondamentaux. Certaines pratiques de la Chine relatives aux droits de la personne préoccupent les Canadiens, et je ne m’attends pas à ce que nous nous entendions sur l’ensemble de ces questions. Mais si je puis me permettre, j’aimerais dire à nos compatriotes canadiens que pour avancer, il faut engager un dialogue respectueux et éviter de s’empêtrer dans une rhétorique de guerre froide. J’aimerais également dire à nos amis chinois, en tout respect, qu’avec l’accroissement du pouvoir économique, politique et militaire viennent de grandes responsabilités et, inévitablement, une surveillance internationale accrue.

Nous devons tous faire preuve d’humilité et apprendre de nos erreurs. Nous devrions chercher à respecter les cultures et les droits de chacun.

Rebâtir sur d’importants acquis

D’ici 10 ans, la Chine sera devenue la première économie mondiale. Nos deux pays ont trop à gagner à collaborer pour se livrer une guerre de mots et de représailles.

Les forces du Canada dans le domaine des technologies propres et des énergies renouvelables pourraient aider la Chine à se défaire du charbon. Dans le domaine des services financiers, le Canada jouit d’une réputation mondiale pour sa bonne gestion et ses saines pratiques réglementaires. Nos forces dans ce secteur pourraient continuer de profiter à la Chine, alors qu’elle libéralise ses marchés et s’efforce de renforcer ses exigences en matière de conformité.

Malgré les tensions persistantes entre nos gouvernements, les échanges commerciaux entre le Canada et la Chine se sont accrus pendant la pandémie, alors qu’ils ont diminué ailleurs dans le monde, y compris aux États-Unis.

Les exportations canadiennes vers la Chine ont augmenté de 37,8 % durant le premier trimestre de 2021 par rapport à la même période l’an dernier. Nos marchandises circulent maintenant davantage vers la Chine qu’elles ne le faisaient avant la pandémie.

Cela dit, notre relation commerciale et d’investissement est loin d’avoir atteint son plein potentiel, surtout quand on considère la concordance de nos forces avec les plans et les besoins de la Chine.

Nous devons également garder à l’esprit que d’autres nations augmentent rapidement leurs activités commerciales avec la Chine. Malgré la « guerre commerciale » que se livrent la Chine et les États-Unis, les exportations américaines vers la Chine sont deux fois plus élevées par habitant que celles du Canada. Cette année, la Chine est devenue le premier partenaire commercial en importance de l’Union européenne. En mai, les exportations australiennes vers la Chine ont augmenté de 16 % par rapport à l’an dernier. Ces nations s’engagent également dans un dialogue aux plus hauts niveaux hiérarchiques.

Le Canada ne peut pas rester paralysé par les récentes tensions.

Les hauts représentants des gouvernements canadien et chinois devraient reprendre le dialogue et entamer la reconstruction. Ces discussions devraient rapidement être suivies de rencontres ministérielles entre les deux gouvernements dans différentes sphères d’activité.

Je demeure optimiste face à notre capacité de bien faire les choses. Pour le bien du Canada et de la Chine, et dans la perspective d’affronter ensemble les défis mondiaux de notre ère.

N’oublions pas qu’en mandarin, le mot « crise » signifie également opportunité. Profitons-en pour transformer celle-ci en occasion de rebâtir nos relations diplomatiques, lentement mais sûrement.

Nous avons beaucoup trop à perdre si nous ne le faisons pas.

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