Un confinement apporte son lot de désagréments. Toutefois, un confinement sans accès internet relève de l’épreuve.

Pendant la pandémie, nous avons pu constater l’incidence de la connectivité numérique sur les personnes âgées. Certaines d’entre elles n’ont pas pu participer à des réunions de famille virtuelles. D’autres encore se sont retrouvées affamées, incapables de commander des produits d’épicerie en ligne. Reste encore à voir comment les citoyens âgés vont s’y retrouver avec le nouveau passeport vaccinal. Même si lors de la campagne municipale, les enjeux propres aux personnes âgées ont été à l’ordre du jour, il est resté des oublis flagrants.

Pour de nombreuses personnes âgées, y compris celles qui vivent dans des logements à faible revenu à Montréal, la fracture numérique est une triste réalité.

Voici une idée : la Ville de Montréal devrait investir dans le WiFi des logements à loyer modique pour les personnes âgées de notre ville. Cela permettrait d’éliminer un obstacle majeur pour les personnes qui souffrent au quotidien de la fracture numérique.

Force est de constater que l’accès à internet est loin d’être une simple question d’âge ; il est lié à des facteurs socioéconomiques tels que le revenu, le niveau d’éducation et le taux d’alphabétisation. Selon l’Observatoire sur les inégalités du Québec, 74 % des aînés de 65 ans ou plus sont des internautes. Ce chiffre chute à 43 % chez les aînés qui gagnent moins de 20 000 $ par année.

Autre triste réalité à Montréal : les coûts associés aux télécommunications sont plus élevés au Canada que dans presque tous les autres pays développés. Lorsque nous avons interrogé des adultes âgés sur la question du caractère abordable de l’internet à Montréal, ils nous ont régulièrement confié qu’ils rognaient sur la nourriture pour payer leurs factures internet. D’autres trouvent les coûts de l’internet si prohibitifs qu’ils évitent complètement les technologies numériques. Pour eux, en raison de leur revenu fixe, internet est un luxe inaccessible.

La crainte de mauvaises surprises

Pire encore, de nombreuses personnes âgées pensent – et à juste titre – que certains fournisseurs de services de télécommunication profitent d’elles en raison de leur âge. Elles hésitent donc à traiter avec les entreprises de télécommunication et craignent d’avoir de mauvaises surprises lorsque la facture internet arrive à la fin de chaque mois.

Pourtant, Montréal se targue d’être une « ville intelligente ». Une stratégie de ville intelligente ne serait-elle pas de combler cette fracture numérique ? Le passage au numérique des immeubles pour les personnes âgées à faible revenu ciblerait ce problème et peut s’inscrire dans une stratégie de développement urbain et social plus large visant à corriger une disparité qui perdure depuis trop longtemps.

Certes, déployer des réseaux sans fil dans les HLM pour personnes âgées suppose un engagement financier de la part de la Ville de Montréal. Nous parlons pourtant de la même ville qui a remporté le premier prix de 50 millions de dollars dans le cadre du Défi des villes intelligentes du Canada, avec la promesse de proposer des solutions numériques de pointe pour lutter contre les enjeux sociaux. Les jeunes méritent-ils davantage de solutions numériques adaptées aux défis qu’ils rencontrent ?

Ensemble, nous pouvons combler cette fracture numérique et inclure les personnes âgées dans la ville de demain, ce qui devrait être une priorité pour une ville qui s’affirme « intelligente » comme Montréal.

L’installation du WiFi dans les logements à loyer modique pour les personnes âgées n’est certainement pas une solution miracle. L’accès aux appareils, la formation et le soutien continu sont autant d’éléments clés pour acquérir la maîtrise des nouvelles technologies. Au lendemain de la pandémie, les collectivités déploient des efforts sans précédent pour connecter les personnes âgées à internet.

Des initiatives, petites et grandes, voient le jour un peu partout dans l’île dans le but d’enseigner le numérique aux personnes âgées. Nombre de ces projets consistent à tisser des liens intergénérationnels et à trouver des mesures concrètes pour que ces personnes adoptent les technologies numériques. L’enthousiasme des organisations est palpable, mais la plupart de ces efforts font face à un écueil commun : les apprenants numériques âgés n’ont pas d’accès WiFi et ne peuvent pas se le permettre !

Nous devons exiger des élus et des représentants gouvernementaux que la fracture numérique soit toujours à l’ordre du jour. Nous devrions attendre davantage de notre gouvernement municipal, dont les actions sont susceptibles d’avoir des répercussions à court terme et bien tangibles sur les tristes réalités numériques des aînés. Il doit se dépêcher de développer un arsenal de solutions avant que la prochaine crise n’éclate. Il est temps que nous commencions à mettre en œuvre des politiques intelligentes qui profitent réellement à ceux que nous avons placés en marge de la société numérique.

*Kim Sawchuk est également professeure de communication à l’Université Concordia.

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