Avant tout, il importe de souligner que la priorité de lutte contre les changements climatiques doit consister à réduire substantiellement les émissions de gaz à effet de serre. Cette mesure est cependant insuffisante pour atteindre les cibles visées pour 2030.

À cet effet, les experts reconnaissent que la forêt fait partie des solutions pour capter et entreposer le carbone dans la végétation, les sols et les produits. Par ailleurs, la forêt est aussi affectée par les changements climatiques, de surcroît, elle est déjà affaiblie par l’appauvrissement de la biodiversité et d’autres services rendus par la nature. Pour faire face à la menace de dommages irréversibles, il faut, globalement, revoir en profondeur le modèle de gestion forestière. Localement, il faut déployer une approche intégrée à la fois de lutte et d’adaptation selon une diversité de solutions dont celles fondées sur la nature.

Le recours à la plantation forestière pour capter le carbone s’avère approprié, surtout pour le boisement de terres non forestières abandonnées parmi les friches agricoles, les sites miniers et les chemins forestiers ainsi que dans les zones urbaines. La restauration de la naturalité du milieu avec des essences diversifiées favoriserait une plus grande résilience forestière face aux multiples incertitudes.

Cependant, couper plus de bois des forêts naturelles pour reboiser par la suite est une conversion qui ne contribuerait pas à l’atteinte des cibles de 2030. En effet, l’émission produite par la récolte constitue une « dette carbone » qui sera remboursée par la croissance des arbres sur un horizon bien supérieur.

Également, la plantation forestière, de la production de semis jusqu’à la récolte, s’avère coûteuse, risquée et d’une rentabilité incertaine, notamment en raison d’un investissement sur un horizon de très long terme par rapport au fait de laisser la nature réaliser ses fonctions, souvent plus efficacement. Il y a lieu de planifier soigneusement les opérations, de suivre régulièrement les résultats obtenus et de s’ajuster en conséquence.

Des solutions à portée de main

La restauration et la conservation du milieu forestier, dont les forêts matures et les milieux humides, représentent aussi des solutions nature à portée de main. Un scénario de conservation peut donc s’avérer plus intéressant à court terme dans certaines situations.

Une récente étude sur les solutions nature pour le climat montre qu’un meilleur aménagement forestier pourrait assurer une contribution annuelle d’environ 3 millions de tonnes équivalent CO2 en 2013 et ainsi participer à environ 10 % de l’engagement de réduction par le Québec.

Les mesures incluent une augmentation de l’effort de conservation, une meilleure régénération après coupe, une plus grande utilisation des produits forestiers à plus longue durée de vie et la substitution de produits énergivores tels le béton et l’acier. La biomasse résiduelle après coupe pour produire de l’énergie est aussi à envisager lorsqu’elle se substitue aux combustibles fossiles.

Par le passé, la forêt était aménagée sur une base relativement stable quant au climat et aux sols. À l’ère des changements climatiques, cela ne tient plus. Ainsi, il est prévu que le climat pourrait « migrer » vers le nord à une vitesse de plus de 10 kilomètres par année. Cela génère beaucoup d’incertitudes sur l’évolution et l’état futur des forêts. Par exemple, une hausse de température pourrait favoriser la croissance forestière, mais une plus grande sécheresse et l’incidence des perturbations naturelles pourraient plutôt se traduire par un bilan négatif.

Nous le voyons bien, les changements climatiques provoquent déjà une récurrence plus grande des incendies de forêt, l’infestation accrue par les insectes et l’envahissement par des espèces exotiques.

Afin de faire face à la menace bien réelle de dommages irréversibles aux conséquences catastrophiques, il faut revoir en profondeur le modèle de gestion forestière, hérité du siècle dernier. Il faut cependant reconnaître que des progrès substantiels ont été réalisés ces dernières années, comme par exemple le déploiement de l’aménagement écosystémique, visant à réduire les écarts entre la forêt aménagée et la forêt naturelle.

Il faudrait appliquer plus largement la notion de « diversité », une notion fondamentale pour la résilience face aux incertitudes. Il s’agit non seulement de la diversité biologique mais aussi celle d’une vision globale et inclusive pour la mise en valeur et la conservation de l’ensemble des ressources et des autres services que procure le milieu forestier.

À cet égard, les solutions climatiques fondées sur la nature ne manquent pas d’intérêt, que cela soit pour protéger les habitats, améliorer les pratiques forestières ou restaurer la végétation. En réduisant la dégradation et la perte des écosystèmes, ces solutions permettent simultanément de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’aider tant les collectivités que les écosystèmes à devenir plus résilients.

Finalement, il sera vital d’agir de manière participative, en toute transparence et rendre compte des résultats. La vigilance s’imposera aussi pour assurer un traitement inclusif des informations et des postulats retenus. Les chercheurs sont à l’œuvre et la science progresse. Devant l’urgence d’agir, tout cela doit s’accentuer pour éclairer les décideurs.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion