Vous vous demandez comment vont nos jeunes ? Certains vont bien. Mais entre 2019 et 2021, il y a eu une augmentation de 27 % de nouvelles ordonnances pour des antidépresseurs chez les jeunes de moins de 18 ans, selon la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Vous avez bien lu : 27 % !

Une dépression, c’est un peu comme de la fièvre qui dure plus de deux semaines : c’est un signe que quelque chose ne va pas. Cela mérite une investigation pour identifier les causes et les traiter. Est-ce qu’on recommanderait seulement des Tylenols à un jeune qui fait de la fièvre depuis plus de deux semaines ?

Les causes d’une dépression peuvent être quasi infinies et sont souvent multifactorielles : avoir l’impression de ne pas valoir grand-chose à cause de relations conflictuelles dans sa famille ou dans sa vie amoureuse, avoir vécu un évènement difficile comme une inondation qui augmente l’impuissance déjà ressentie, être envahi par la honte alors qu’on n’a rien fait de mal ou qu’on a fait une erreur qu’on voit comme impardonnable, etc.

Nous comprenons tout à fait la situation dans laquelle se retrouvent les médecins devant la souffrance des jeunes et nous ne critiquons aucunement le fait que certains prescrivent des antidépresseurs. Le problème n’est pas là !

Nous savons qu’une quantité phénoménale de jeunes souffrent de dépression et qu’il s’agit d’une maladie qui peut être mortelle. Le suicide est la deuxième cause de décès chez les adolescents au Québec et surpasse le cancer. Pourquoi les jeunes qui souffrent de dépression ne reçoivent-ils pas la même attention ? Pourquoi ne peuvent-ils que très rarement avoir accès aux spécialistes pouvant traiter la dépression ?

Les médecins font ce qu’ils peuvent pour protéger et aider les jeunes alors que le traitement de choix, la psychothérapie, n’est que rarement disponible.

La médication est incontestablement essentielle dans certaines situations, mais on recommande de la combiner avec de la psychothérapie dans la très grande majorité des cas. La médication seule a des effets limités et n’aide pas les jeunes à apprendre à tolérer la détresse, à changer leur patron d’interaction avec les autres, à mieux gérer leurs émotions, à apprendre à vivre avec leurs traumatismes, etc. La psychothérapie est un traitement reconnu scientifiquement et sa pratique est protégée par la loi. Au Québec, environ 80 % des professionnels qui peuvent pratiquer la psychothérapie sont des psychologues.

Diminution du nombre de psychologues

Bien évidemment, l’ensemble des professionnelles (psychoéducatrices, travailleuses sociales, techniciennes en éducation spécialisée, etc.) sont essentielles pour aider nos jeunes. D’ailleurs, nous nous réjouissons des chiffres du gouvernement qui démontrent qu’il y en a de plus en plus qui travaillent dans le réseau de la santé.

Toutefois, à l’opposé, le nombre de psychologues diminue de façon marquée et constante depuis plus d’une décennie dans le réseau, et ce, malgré le fait que le Québec a le plus grand ratio de psychologues par habitant en Amérique du Nord.

En fait, la majorité des psychologues travaillent en cabinet privé et nos jeunes les plus vulnérables ne sont pas en mesure de les consulter. Il est donc actuellement presque impossible de donner le bon soin au bon moment en raison d’une pénurie artificielle de psychologues dans notre réseau.

Il est plus que temps de ramener les psychologues dans nos écoles, nos cégeps, nos CLSCs, nos hôpitaux, nos centres de réadaptation et nos centres jeunesse. Ils pourront ainsi offrir le traitement recommandé en première instance pour la dépression chez les jeunes, soit la psychothérapie et venir prêter main-forte à leurs collègues submergés par la souffrance humaine. Petit bonus : la psychothérapie est moins coûteuse pour le Québec que les antidépresseurs !

Un choix s’offre donc à nous : continuer dans la direction de la médicamentation de la souffrance psychologique ou faire tous les efforts possibles pour offrir l’éventail de services appropriés à cette condition, y compris la psychothérapie.

Nous sommes les adultes. Nos jeunes nous font confiance. Nous avons la responsabilité collective d’améliorer l’accès à la psychothérapie dans notre réseau public. Donnons à la santé mentale la place qui lui revient !

*Cosignataires : Catherine Serra Poirier, psychologue et vice-présidente liaison de la Coalition des psychologues du réseau public québécois ; Connie Scuccimarri, psychologue et administratrice de la Coalition des psychologues du réseau public québécois ; Stéphanie Sylvain-Roy, neuropsychologue ; Youssef Allami, psychologue et administrateur de la Coalition des psychologues du réseau public québécois ; Béatrice Filion, psychologue et vice-présidente secrétaire de la Coalition des psychologues du réseau public québécois ; Loredana Marchica, psychologue et responsable des communications de la Coalition des psychologues du réseau public québécois ; Marc-André Pinard, psychologue et administrateur de la Coalition des psychologues du réseau public québécois

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