En réponse à la chronique de Patrick Lagacé, « À la défense des plus pourris »1, publiée le 7 novembre

Dans sa chronique « À la défense des plus pourris », Patrick Lagacé nous a servi dimanche dernier une énième envolée bien sentie contre les syndicats et leur devoir de représentation, tel qu’il est encadré dans la législation québécoise, en allant jusqu’à écorcher au passage l’intégrité et le sens civique de ceux et celles dont le travail est de représenter leurs semblables dans leurs relations de travail.

Relatant des situations précises où des employés qui auraient commis des fautes graves ont été « défendus » par leur syndicat, le chroniqueur remet en cause l’obligation qui incombe à chaque syndicat de représenter avec diligence l’ensemble de ses membres. Une responsabilité imposée par le législateur, que M. Lagacé assimile à une croisade sans compromis que mènerait chaque association de travailleurs aux prises avec un membre problématique, qui a commis des gestes graves ou qui est tout simplement dans le tort.

Ainsi, les bureaux des représentants syndicaux regorgeraient de dossiers de harceleurs qui empoisonnent des milieux de travail, de voleurs qui prennent les biens publics pour les leurs, d’antivax déconnectés qui retardent le groupe, et la motivation profonde du syndicaliste moyen, quand il se lève le matin, serait de faire triompher la cause de ce genre de personnes, dans le plus grand mépris des victimes et de l’intérêt public.

Paix industrielle

Rappelons d’abord que l’obligation de représentation imposée aux syndicats par l’article 47.2 du Code du travail est l’une des composantes d’un équilibre du rapport de forces qui existe dans les relations de travail et assure une certaine paix industrielle au Québec. Ainsi, dans un milieu de travail, la décision d’adhérer ou non à un syndicat est prise collectivement, à majorité.

Lors d’un vote favorable, tous les salariés visés sont alors réputés adhérer au syndicat et doivent payer la cotisation, même ceux qui étaient personnellement contre. C’est la formule Rand.

En contrepartie, le syndicat ainsi reconnu a l’obligation de défendre tous ses membres… même ceux dont il se passerait bien.

Est-ce un système parfait ? Probablement pas. Mais la plupart des syndicalistes n’auront que très rarement à gérer ce genre de dossiers problématiques. Et ils détesteront le faire. Aucun collègue syndicaliste que je connaisse n’a envie ces jours-ci de défendre un antivax qui réclame le droit d’infecter impunément collègues, clients et usagers dans son milieu de travail.

Face à cette situation inédite, nous sommes plusieurs à espérer une première décision du tribunal qui viendra clarifier la légalité d’une obligation vaccinale dans les milieux de travail et qui nous permettra ensuite de dire à nos quelques rares membres antivax : « Désolé, on peut déposer un grief si tu veux, mais ça n’ira pas très loin. Tes chances de victoire sont proches de zéro, on te conseille de ne pas te lancer dans cette bataille-là. »

Car oui, recommander à un membre de ne pas aller de l’avant quand sa cause est perdue d’avance, ça respecte notre obligation de représentation.

Mais comme je le disais, ce genre de cas est plutôt rare dans notre travail. Monsieur Lagacé le sait déjà. Il est un homme intelligent, je ne lui apprends rien.

Mais c’est probablement plus divertissant de parler d’un concierge harceleur que du travail que les syndicats font avec leurs milliers d’autres membres. S’assurer que la 47heure de travail soit payée en temps supplémentaire. Faire ajouter la COVID longue sur le formulaire A-38 comme maladie admissible à l’assurance salaire. Aider une mère de famille à obtenir les congés pour obligations familiales auxquels elle a droit. Sauver le lien d’emploi d’un salarié dont la vie est chamboulée par une tragédie.

C’est probablement moins divertissant, en effet.

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