Ce qui s’est produit dimanche soir va beaucoup plus loin qu’une réélection à Montréal. Sans minimiser l’importance de celle-ci, je tiens à la mettre dans son contexte pour faire émerger ce que je vois comme un signe de renouveau – quelque chose comme un vrai changement.

On oublie souvent à quel point les actions qu’on porte individuellement et collectivement aujourd’hui prennent du temps avant de percoler à plus grande échelle. Ou plutôt, on s’impatiente. Tout va si vite par ailleurs que quand le résultat anticipé ne suit pas immédiatement, on compte un échec et on tourne notre attention ailleurs.

Et pourtant. Dans nos récits de vie, nous retrouvons chacun et chacune des exemples d’un évènement marquant, parfois anodin sur le coup, qui nous a inspiré à prendre un autre chemin.

Ça peut être une parole d’un parent ou d’un enseignant, même d’un parfait étranger ; un soutien apporté qui a fait la différence, qui nous a permis de recadrer notre vision du monde.

Les grands systèmes sont lourds et complexes, et ne peuvent non plus être si vite changés. S’adressant lundi aux Nations unies dans le cadre de la Conférence sur les changements climatiques, Barack Obama a souligné la difficulté de mobiliser les institutions politiques à l’échelle globale dans le temps requis.

Devant l’immobilisme du pouvoir politique, notre exaspération a parfois raison de notre optimisme, et c’est là qu’on tombe dans le cynisme et le désespoir, ce mélange néfaste d’émotions négatives qu’on nomme aujourd’hui l’écoanxiété. Il ne faut pas pour autant se désespérer, car le battement d’ailes d’un papillon quelque part au Jardin botanique finira par faire tomber l’hôtel de ville…

Mauvais souvenirs

Revenons dans notre passé pas si lointain : l’automne 2012. En octobre, Gilles Vaillancourt, maire de Laval, démissionne à la suite des perquisitions de l’UPAC et de la Sûreté du Québec. Il sera jugé coupable de fraude, de complot et d’abus de confiance à la suite de son procès en 2016. L’hôtel de ville de Montréal n’est guère plus reluisant, l’administration y est rongée par des allégations de corruption et de collusion. Nous avons regardé, ébahis, le maire Gérald Tremblay, toujours dans le déni, démissionner enfin, et puis son successeur Michael Applebaum se faire arrêter sept mois plus tard. Bref, rien pour inspirer la confiance en la classe politique.

Pendant cette période sombre, les fondements du changement se posaient déjà. Malgré le désespoir et le réflexe au cynisme, quelques braves gens s’activaient pour changer les choses et apporter du nouveau. Le papillon battait des ailes.

Dimanche, le vent de ce battement d’ailes, amplifié par le temps et le travail de milliers de candidats et de bénévoles, a déferlé sur tout le Québec. Un vent de fraîcheur qui a donné à la métropole un deuxième mandat à une administration progressiste menée par Valérie Plante, cette « guerrière joyeuse » au rire éclatant. Ailleurs au Québec, de nouveaux visages, plus jeunes, plus féminins aussi, prennent le leadership des grandes villes québécoises. Saluons au passage Catherine Fournier à Longueuil, Stéphane Boyer à Laval, France Bélisle à Gatineau et Évelyne Beaudin à Sherbrooke, et enfin Bruno Marchand, finalement déclaré gagnant après un revirement spectaculaire à la Ville de Québec.

Le mot qu’on entend partout sur les lèvres de ces maires et mairesses nouvellement élus ou réélus : « transparence ». Nous avons appris de notre passé, et ne voulons pas répéter les mêmes erreurs. Et puis, « optimisme ».

Les défis seront grands pour ces nouveaux élus et élues, certainement. Mais avant de passer trop rapidement aux mises en garde par rapport au travail qui les attend, prenons un moment collectivement pour saluer leur arrivée et pour savourer la victoire de l’espoir sur le cynisme.

* Chroniqueuse politique, Justine McIntyre est actuellement aux études de maîtrise en management et développement durable à HEC Montréal.

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