Juin 2019. J’embarque sur un vol d’Air Canada avec mes deux filles en partance de Montréal.

Nous nous dirigeons vers Las Vegas pour un court séjour dans la vallée de la Mort. Alors même que nous nous asseyons, une agente de bord prend place dans notre section et lance un vibrant : « Does everybody here speak English ? » Elle est chargée de nous donner les règles de sécurité. La surprise générale fait place à un long silence jusqu’à ce que je me décide à répondre : « Non ! »

Incrédules, tous les regards se tournent vers moi. Dans leurs yeux, je lis les questions. « Ben voyons, comment peut-il s’envoler vers Vegas sans comprendre l’anglais ? N’est-ce pas là de la pure provocation ? Voire de l’arrogance ? » Sans doute que c’en était d’une certaine façon.

Parce que chaque fois qu’on tente de nous imposer l’anglais comme langue d’approche ou de communication et qu’on résiste, on se sent un peu intolérant, empêcheur de tourner en rond.

L’approche de l’agente de bord était quand même subtile, avouons-le. Du haut de son autorité, elle suggérait que l’anglais suffisait. Surtout que les règles de sécurité à bord, on s’en fout pas mal. Personne ne les écoute vraiment. Et à bien y penser, la séance de criage dans les oreilles sera plus courte, alors que nos pensées ne sont qu’à ces moments savoureux que nous vivrons une fois débarqués au Nevada.

Mais c’en était trop. Je ne pouvais pas me résoudre à laisser passer un tel affront. Oublier le français alors qu’il est, en principe, obligatoire sur tous les vols canadiens, pour ensuite – puisque tous les passagers disent comprendre l’anglais (je dis bien disent, ce qui n’était certainement pas le cas) – être abordés en anglais en toutes circonstances.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Michael Rousseau, PDG d’Air Canada, lors de son discours devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le 3 novembre dernier

Cette expérience douloureuse m’est revenue en mémoire à l’annonce du discours livré en anglais par le nouveau président et chef de la direction d’Air Canada, Michael S. Rousseau, le 3 novembre dernier.

Le mépris du français est légion dans cette organisation et, il l’a bien rappelé, sa maîtrise est encore moins nécessaire pour vivre à Montréal, même pour atteindre les plus hauts échelons du gratin financier.

Malgré les apparences, la véritable langue d’Air Canada n’est pas l’anglais. C’est l’argent. Et pour avoir un impact réel sur ce transporteur, il faudrait cesser de lui en donner. Il faudrait utiliser ses concurrents, Air Transat d’abord, chaque fois qu’on en a l’occasion, en espérant qu’Air Canada ne l’avalera pas un jour. Pour les vols intercontinentaux, Air Transat et les transporteurs européens, Air France en particulier, font très bien l’affaire.

Seuls ces moyens concrets peuvent amener un changement véritable, plomber les revenus d’Air Canada jusqu’à provoquer le départ de Rousseau et amener cette organisation farouchement hostile au français à désigner dorénavant des dirigeants au moins bilingues et à respecter notre langue nationale. Le gouvernement Legault devrait de son côté supprimer toute subvention à cette entreprise et exiger, avant d’en reprendre le versement, un plan concret de mise à niveau du français à tous les échelons hiérarchiques et dans ses communications avec la clientèle.

Depuis 1976, de nombreux Québécois boycottent Sun Life, qui avait annoncé le transfert de son siège social en Ontario en réponse à l’accession au pouvoir de René Lévesque. En 1978, le boycottage du confiseur Cadbury, qui déménageait sa production en Ontario après 60 ans de présence à Montréal, a fait mal et a servi d’avertissement à plusieurs autres.

Comme moi, oserez-vous boycotter Air Canada chaque fois que vous en aurez l’occasion ?

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