Je ne suis pas heureux par les temps qui courent. Le présent est chaotique et l’avenir, incertain. Les populations vulnérables et les enfants en particulier ne sont pas bien traités. Ils continuent de souffrir d’un mauvais sort. Malgré des réformes, des commissions et des recherches, « Un Québec fou de ses enfants », « Tous responsables de nos enfants », « Les enfants d’abord » et autres belles promesses, qu’on se le dise, rien ne va plus.

Les institutions sont en crise, les intervenants n’interviennent plus de façon optimale et on pense encore qu’en ne changeant rien de profond dans nos systèmes, on pourra tout de même y arriver. L’idée n’est pas de tout faire voler en éclats et de mettre en cause nos acquis, mais il est clair qu’il est temps de repenser en profondeur nos offres de services aux enfants. Il faut aussi recueillir le plus d’idées innovantes possible et passer vite à l’action. Nous ne pouvons plus attendre. Il y a urgence, et ça nous concerne tous.

Les constats sont dramatiques, les listes d’attente des enfants en besoin de protection s’allongent sans cesse, les intervenants ne s’y retrouvent plus et abandonnent le navire.

Il serait temps d’innover et de penser la protection des enfants sous tous ses angles, non plus avec l’unique joueur DPJ, mais bien avec de nombreux acteurs complémentaires dans les communautés. La mise en place d’équipes transdisciplinaires agiles et mobiles dans les milieux de vie des enfants pourrait nous permettre d’avancer rapidement vers une meilleure protection, plus globale et préventive, pour tous les enfants.

Développement des enfants

Il est clairement démontré que la stimulation précoce des enfants, dans leurs premières années, garantit une meilleure qualité de vie et un plus grand succès scolaire. En milieu plus défavorisé, les conséquences des retards de développement sont immenses si ceux-ci ne sont pas rapidement pris en charge.

Les services spécialisés, orthophonie, ergothérapie, psychologie, médicaux ne sont pas assez accessibles, et les délais d’attente sont inacceptables. Les services de garde, bien conçus, profitent quant à eux davantage aux enfants plus favorisés qu’à ceux en réel besoin de stimulation pour réussir. Le personnel est épuisé, sous-payé et démissionne, faute de reconnaissance et de qualité de vie.

L’innovation serait de mobiliser et d’intégrer les ressources spécialisées dans les différents lieux de soutien naturel aux familles et aux enfants, comme nous le faisons dans les centres de pédiatrie sociale en communauté avec les services de garde, CPE, maisons de la famille, écoles, etc., pour dépister et mieux servir les enfants.

Soins des enfants

Nos hôpitaux pédiatriques sont renversants de compétences, mais leurs urgences débordent de cas d’enfants qui devraient être traités par des médecins de famille disponibles et, oui, aussi par des infirmières qualifiées, des intervenants psychosociaux et des psychologues.

Notre tendance à voir la santé uniquement par le spectre physique occulte aussi le spectre de la santé mentale, alors que celle-ci occupe une grande partie des besoins des jeunes et des petits.

Les services de santé coûtent cher (près de 50 % du budget), mais ils ne sont pourtant disponibles qu’au compte-gouttes. Pourquoi les familles doivent-elles tant attendre avant de trouver un médecin ? Pourquoi beaucoup quittent les urgences sans avoir été vues, après 10 à 12 heures d’attente ?

Encore là, les désinvestissements des dernières années se font sentir de plus en plus dans le réseau, et la recherche désespérée de coupables en fait abandonner plus d’un, y compris des médecins.

L’innovation dans ce cas serait un retour à une première ligne forte 24/7 et à courte distance des patients, dans une perspective de gradation des soins. Il est temps d’envisager une approche de première ligne infirmière pour les soins physiques de base et une première ligne psychosociale pour ce type d’urgences, et ce, bien sûr, en lien direct avec une équipe interdisciplinaire.

Instruction des enfants

L’école est bien l’endroit où l’on acquiert différentes compétences sur le plan social, des connaissances et des valeurs. Or, elle n’y arrive plus. Souvent désuète et même toxique, l’école est délaissée et mal aimée depuis des décennies, à tel point que les enseignants se sont essoufflés et épuisés.

L’innovation pourrait être de recréer des espaces sains et attirants pour les enfants, une deuxième maison où ils ont le goût d’apprendre et de créer, un lieu ouvert aux parents et aux mentors, afin de compléter l’offre de services éducatifs nécessaires pour développer leur plein potentiel, tout en remobilisant les enseignants autour d’un projet éducatif commun, rassembleur. On connaît tous une enseignante qui a fait une différence dans notre vie et à qui on a voulu plaire en travaillant plus fort.

On est d’accord que des changements drastiques s’imposent. En médecine, en protection de la jeunesse, en éducation et en services de garde. Nous devons retrouver le plaisir d’aider nos enfants à être bien. Nous devons de nouveau nous sentir privilégiés de pouvoir contribuer à leur succès. Cela va de pair avec l’obtention de la reconnaissance de faire ce travail essentiel, pour une société meilleure.

Et si nous arrivons à innover rapidement pour nos enfants, alors peut-être pourrais-je redevenir un homme heureux au présent et avoir confiance en l’avenir.

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