Vous avez peut-être comme nous aperçu à la télévision ou sur les réseaux sociaux des capsules vidéo ludiques portant sur les élections municipales du 7 novembre prochain. Des capsules qui font partie d’une campagne plus large lancée par Élections Québec, campagne pertinente étant donné le taux notoirement bas de participation aux élections municipales, sans compter l’impact que pourrait avoir la pandémie.

Plusieurs exemples de services municipaux sont énoncés dans ces capsules, avec pour objectif de nous faire comprendre que le municipal, ça compte ; voirie, espaces verts, recyclage, terrains de jeu, nettoyage des rues, taxes municipales, parcs à chiens, transports en commun, développement résidentiel, service d’incendie, traitement des eaux, pistes cyclables, déneigement, bibliothèques, jardins communautaires et permis de construction.

La liste est longue, mais elle pourrait encore s’étirer longtemps, tant les services et les sujets relevant en tout ou en partie des municipalités sont nombreux.

Pensons, par exemple, à des sujets brûlants comme la crise du logement ou la relance post-COVID-19, mais aussi à toutes sortes d’autres enjeux, allant de l’interdiction des sacs plastiques à usage unique ou des pesticides à l’encadrement des potagers en façade ou des trottinettes électriques en libre-service, en passant par la question des poules urbaines et du micropuçage des animaux domestiques.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LAPRESSE

Déneigement à Verdun

L'autonomie municipale

Si cette liste est diverse et évolutive, cela n’est pas le fruit du hasard. Comme chercheurs et avocats, nous nous intéressons à l’évolution des compétences municipales au pays et nous constatons que depuis les 25 dernières années, deux mouvements, l’un législatif (donc mené par les élus), l’autre judiciaire (donc mené par les juges), favorisent l’autonomie municipale. Cette réalité, que nous expliquerons ci-dessous, justifie selon nous qu’une plus grande attention soit accordée aux affaires locales, mais aussi que l’importance du monde municipal dans la vie citoyenne se reflète par un taux plus élevé de participation aux élections municipales.

Il est d’abord essentiel de rappeler que les municipalités n’existent pas en droit constitutionnel canadien et sont plutôt considérées comme un champ de compétence provincial parmi d’autres, selon la Loi constitutionnelle de 1867. Les municipalités agissent donc comme des extensions des provinces pour gérer leur territoire et disposent des seuls pouvoirs que les provinces décident de leur accorder.

Cela dit, la plupart des provinces ont choisi tour à tour, avec l’Alberta en tête dès 1994, de faire davantage confiance aux autorités locales en leur accordant plus de flexibilité, de marge de manœuvre et de pouvoirs sur le plan juridique.

Au Québec, cela fut notamment le cas avec l’adoption de la Loi sur les compétences municipales. Entrée en vigueur en 2006, la loi attribue des compétences larges aux municipalités québécoises dans huit domaines, notamment l’environnement, la salubrité, les nuisances et la sécurité. Elle accorde aux municipalités une plus grande souplesse pour gérer des problématiques, actuelles ou futures, dans ces domaines, sans qu’elles aient à demander chaque fois au législateur provincial une modification aux lois qui les régissent. Auparavant (et cela est encore vrai dans plusieurs domaines), les lois octroyant les pouvoirs aux municipalités énuméraient longuement, en détail et restrictivement tout ce qu’une municipalité pouvait faire, ce qui n’y figurait pas n’étant pas de leur ressort. Il s’agit donc d’un changement majeur de paradigme.

Au niveau judiciaire, la Cour suprême du Canada, à travers diverses décisions, a elle aussi contribué directement, depuis les années 1990, à l’autonomisation municipale, en rendant notamment plus difficiles les tentatives de faire invalider les règlements adoptés par les autorités locales. Compte tenu du lien de proximité qui unit les municipalités aux citoyens, et de la nature démocratique de la vie municipale, la Cour a insisté sur l’importance de laisser aux conseils la latitude nécessaire pour agir dans l’intérêt public. Rapidement, les autres tribunaux, des cours d’appel jusqu’aux cours municipales, ont suivi la nouvelle ligne de conduite énoncée par le plus haut tribunal au pays. La décision rendue par la Cour supérieure confirmant la validité d’un règlement de la municipalité de Saint-Bruno-de-Montarville protégeant les milieux naturels en est un exemple récent.

Bien sûr, des obstacles subsistent à l’autonomie municipale, au Québec comme dans les autres provinces, des limites inévitables dans la configuration constitutionnelle actuelle où les provinces pourront toujours avoir le dernier mot. Il n’en demeure pas moins que nos municipalités jouent un rôle important et croissant dans nos vies et qu’elles ont une latitude au niveau juridique qu’elles n’avaient tout simplement pas auparavant. N’a-t-on donc pas intérêt à leur accorder autant d’attention, tant au quotidien qu’en campagne électorale, qu’aux ordres fédéral et provincial ? N’a-t-on donc pas intérêt à faire valoir notre voix le 7 novembre prochain ? Poser ces questions, c’est aussi y répondre.

* Les auteurs sont membres du Barreau du Québec

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