Le 4-5 novembre marque le 40e anniversaire d’évènements qui ont profondément marqué l’histoire du Québec et sa place dans la fédération canadienne.

Ce fut pendant la nuit du 4 au 5 novembre 1981, en effet, que des tractations secrètes entre le gouvernement fédéral de Pierre Elliott Trudeau et les premiers ministres des neuf provinces anglophones – mais en l’absence et à l’insu du gouvernement du Québec – menèrent à l’acceptation par ces derniers du projet constitutionnel du premier ministre canadien du temps.1

À la suite de cette entente de 1981 entre le fédéral et les provinces anglophones, sans le Québec, les changements constitutionnels qu’elle comportait furent par après insérés dans la loi constitutionnelle de 1982. Ce fut véritablement un coup de force contre le Québec et sa population.

L’éclatement du Groupe des huit

En effet, après la défaite référendaire du 20 mai 1980, la stratégie du gouvernement québécois de René Lévesque (pour faire obstacle aux visées constitutionnelles unilatérales du gouvernement fédéral) avait consisté à se joindre à sept autres gouvernements provinciaux pour former le Groupe des huit.

Cependant, ce front interprovincial d’opposition se trouva sérieusement menacé d’éclatement quand la Cour suprême du Canada, le 28 septembre 1981, statua que le fédéral n’avait besoin que d’un nombre « suffisant » d’appuis des gouvernements provinciaux pour procéder, et non pas l’unanimité, comme cela avait été le cas dans le passé. Il devint alors possible que des changements constitutionnels majeurs puissent se faire sans l’appui du Québec.

C’est ce qui conduisit à la « Nuit des longs couteaux » des 4 et 5 novembre 1981.

Trois grandes conséquences

Il y a trois grandes conséquences pour le peuple québécois et pour la nation canadienne-française qui ont découlé du coup de force constitutionnel fédéral de 1981-1982.

Le Parlement élu du Québec a de facto été placé depuis sous la tutelle arbitraire d’un « gouvernement des juges » non élu et nommé par le seul gouvernement canadien.

Dans ce contexte, il est devenu problématique pour le gouvernement du Québec de légiférer en matière de langue, de culture, de laïcité et d’éducation, tous des domaines qui relevaient dans le passé de sa compétence exclusive. L’exemple le plus patent a été la Charte de la langue française, plus connue sous le nom de loi 101.

Adoptée en 1977, la loi 101 vise à assurer la pérennité du français comme seule langue officielle du Québec, mais elle s’est vu retrancher des pans entiers par les tribunaux fédéraux. Plus récemment, il est aussi à craindre que les projets de loi 21 et 96 sur la laïcité de l’État et sur le renforcement de la loi 101, lesquels sont en cours d’adoption par le gouvernement québécois, subissent le même sort. Sans ces lois, le peuple québécois est menacé de perdre sa majorité au Québec même, dans les décennies à venir.

L’insertion de l’idéologie politique du multiculturalisme dans la loi constitutionnelle de 1982, laquelle n’a jamais été signée par le gouvernement du Québec, a justifié l’adoption d’une politique fédérale d’immigration super massive de remplacement de population, en très grande majorité intégrée au Canada anglais. Le Canada est le seul pays au monde qui a constitutionnalisé une telle idéologie politique. À terme, cette politique est une menace au pouvoir politique relatif et à la survie même de la nation canadienne-française dans son ensemble.

La centralisation politique accrue au niveau fédéral canadien tend de facto à faire du foyer majoritaire des francophones en Amérique du Nord qu’est le Québec une sorte de colonie intérieure soumise aux diktats du Canada anglais. Il en résulte une entorse majeure à la démocratie.

La souveraineté du Parlement québécois fragilisée

Les changements constitutionnels sur lesquels il y a eu entente lors de la Nuit des longs couteaux des 4 et 5 novembre 1981, malgré l’opposition formelle du gouvernement québécois, et qui furent constitutionnalisés dans la loi constitutionnelle de 1982, ont considérablement réduit la souveraineté du Parlement du Québec dans les domaines de ses compétences.

Dans le nouveau contexte constitutionnel canadien imposé au Québec dans l’après-1982, le gouvernement du Québec rencontre de nombreuses embûches dans sa mission première de préserver l’avenir du Québec en tant que seule société à majorité francophone en Amérique du Nord.

1. Ce texte est en partie inspiré du livre de l’auteur La régression tranquille du Québec, 1980-2018, Éditions Fides, 2018.

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