Il y a quelques jours, le gouvernement québécois annonçait son nouveau plan d’action pour lutter contre l’itinérance : un investissement de 280 millions de dollars sur cinq ans – dont 10 millions réservés aux services pour femmes en matière d’hébergements d’urgence et de transition.

Bonne nouvelle, direz-vous ! Mais, lorsqu’on sait que la population féminine en situation d’itinérance visible représente 23 % de la population globale itinérante, à Montréal seulement (Mouvement pour mettre fin à l’itinérance, 2018), et que la pandémie a poussé de plus en plus de femmes vers la précarité, voire l’itinérance, on peut se demander si ce budget est réellement suffisant pour les besoins grandissants de cette population.

Pour vous donner une idée, au refuge de jour pour femmes Chez Doris, ce sont près de 900 femmes itinérantes uniques qui ont été accueillies durant la dernière année fiscale. C’est le double par rapport aux données pré-COVID-19. Cela fait beaucoup de femmes à aider et à (re)loger…

Les hébergements d’urgence et de transition réservés uniquement aux femmes sont d’une grande nécessité dans le paysage montréalais. Souvent victimisées dans les services mixtes, les femmes ne représentent que 35 % des répondants dans les hébergements de transition (Mouvement pour mettre fin à l’itinérance, 2018). Plus encore, selon le Rapport sur la capacité d’hébergement 2019 d’Emploi et Développement social Canada, seulement 219 des 1901 lits d’urgence disponibles au Québec sont réservés aux femmes, dont 177 à Montréal. Pour répondre à ce manque criant de lits, plusieurs organismes se sont attelés au développement de nouveaux projets d’hébergements d’urgence et de transition. À ce propos, Chez Doris ouvrira un refuge de nuit comprenant 22 lits d’urgence d’ici le printemps 2022. Depuis décembre 2020, Chez Doris fournit également des services de nuit, qui opèrent dans un bloc de 40 chambres d’hôtel.

Est-ce que 22 lits d’urgence suffisent à près de 900 femmes itinérantes qui ont franchi les portes de notre refuge de jour dans la dernière année ? Pas besoin d’être mathématicien pour voir qu’il y a ici une incohérence.

Regardons de plus près les chiffres du plan d’action. Sur un budget de 10 millions de dollars, réparti sur cinq ans, cela fait 2 millions par an pour investir dans des hébergements d’urgence et de transition au Québec. Cette somme sera ensuite divisée par municipalité, puis par organisme. Que nous restera-t-il en fin de compte ? Presque rien…

La volonté du gouvernement d’ouvrir de nouveaux hébergements d’urgence et de transition réservés aux femmes au Québec est remarquable et nous l’applaudissons. Cependant, le budget proposé dans le plan d’action ne prend pas en compte les frais engendrés par la gestion de ces établissements, et les services et suivis psychosociaux offerts à ces femmes, qui ont souvent des problèmes graves de santé mentale, qui ont été victimes de violence ou qui sont touchées par la toxicomanie. Tous frais additionnés, on dépasse nettement les 2 millions par an.

Bien qu’il nous faille plus d’hébergements d’urgence et de transition pour les femmes itinérantes, nous ne pourrons pas résoudre le problème de l’itinérance féminine en offrant simplement des logements. Il faut penser à d’autres pistes de solution et aborder cet enjeu de façon plus holistique. En investissant dans la prévention à la précarité, à l’itinérance et à la santé mentale, peut-être trouverons-nous une ou des solutions pour enrayer l’itinérance féminine au Québec.

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