Si réussir des excuses est un art, il n’y a pas moins Basquiat que Jon Gruden. Jusqu’au 11 octobre dernier, Gruden était l’entraîneur-chef des Raiders, l’équipe de football professionnelle de Las Vegas. C’est à la suite d’une enquête du New York Times dévoilant une série de courriels racistes, misogynes et homophobes signés et envoyés par Gruden, il y a 10 ans, que cette figure bien connue de la NFL a quitté la ligue.

« J’ai démissionné de mon poste d’entraîneur-chef des Raiders de Las Vegas. J’aime les Raiders et je ne veux pas être une distraction. Merci aux joueurs, aux entraîneurs, au personnel et aux sympathisants de la Raider Nation. Je m’excuse, je n’ai jamais voulu blesser qui que ce soit. » C’est donc ainsi, dans un tweet publié par ce qui était maintenant son ancienne équipe, que Jon Gruden a fait ses adieux. Il avait été tout aussi insipide, peu de temps avant, lors d’une conférence de presse. Absente, là aussi, toute trace du moindre soupçon de volonté de corriger ses torts, et de repentance.

Malgré son départ, la NFL ne peut pas tout simplement se laver les mains de Jon Gruden, puisqu’elle a permis à cet ignoble personnage de non seulement réussir dans la ligue, mais d’y être prospère, en créant un environnement où tenir des propos si odieux et blessants était possible et toléré. Cet environnement existe encore, et il y a d’autres Jon Gruden dans cette ligue.

Les ligues sportives ne sont pas parfaites – elles n’ont pas à l’être. Mais elles peuvent devenir exemplaires. Souvent un microcosme des sociétés qui les font vivre, elles ont le pouvoir d’influencer et, surtout, elles ont les moyens et peuvent se permettre d’être des laboratoires d’essais.

Jon Gruden n’est pas victime de la culture de l’effacement ni de celle de l’annulation – des principes qui n’existent pas vraiment, mais qui, tout de même, semblent exciter les polémistes. Parlons plutôt de culture de la conséquence, telle qu’elle a été baptisée par le journaliste Brian Stelter, l’année dernière.

Les conséquences ne peuvent pas être les mêmes pour tous ceux coupables d’un délit, d’un écart, d’un dérapage, d’une indécence. Parce que tout simplement, ces délits, ces écarts, ces dérapages, ces indécences ne sont pas tous les mêmes. Et, ceux qui les commettent ne sont pas tous des Jon Gruden. Certains sont capables de regrets et souhaitent faire mieux, devenir meilleurs. Certains sont des Michael Vick.

En 2007, l’ancien quart-arrière étoile avait été reconnu coupable d’avoir financé et organisé des combats de chiens. Quelque temps après avoir purgé une peine de 18 mois de prison, Vick – qui n’avait jamais cessé, depuis le début de ses déboires, d’être criblé de remords – a été pris sous l’aile de l’ancien entraîneur-chef Tony Dungy, qui lui a servi de mentor. Puis, Andy Reid – qui était entraîneur-chef d’une autre équipe – a décidé de le repêcher, lui donnant ainsi une seconde chance. Mais tout ça a été accompagné d’un travail intense de la part de Vick. C’est une réhabilitation qui a été soutenue par des formations avec des groupes des droits des animaux, des tournées dans les écoles, un plaidoyer auprès du Congrès américain pour l’adoption d’une loi anti-combat de chiens, et un appui de l’influente ONG PETA (People for the Ethical Treatment of Animals).

C’est une réhabilitation dont est capable un Logan Mailloux, par exemple. Un principe que plusieurs partisans auraient accepté, si le Canadien de Montréal l’avait présenté de manière proactive, avant le repêchage et non en urgence, pendant une gestion de crise de communication.

Ce qu’il nous faut déterminer, collectivement, est peut-être une sorte d’échelle Richter sociale. Elle pourrait nous servir de boussole pour évaluer les conséquences et pour envisager une possible réhabilitation. La mesure ? Sur une échelle de 1 à Jon Gruden, par exemple. Ou, sur une échelle de 1 à Bill Cosby – lui qui a commis de multiples crimes et a toujours refusé de reconnaître sa culpabilité.

Les Gruden et Cosby ne méritent pas le privilège d’un retour dans les milieux qui ont fait d’eux des personnalités riches et célèbres. Mais il nous faut être capables de faire une place pour ceux qui ne souhaitent plus être des connards. Ceux qui souhaitent faire mieux et ceux qui ont la volonté de devenir meilleurs. Ceux qui veulent corriger l’incorrigible, même si c’est impossible. Et ceux dont les entorses du passé peuvent un jour guérir. Une guérison, je crois, qui nous serait tous bénéfique.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion