C’est chaque année le jour de la marmotte. Le dernier rapport du Groupe intergouvernemental sur l’environnement et le climat déposé en août ne nous a rien appris de nouveau ; les scénarios les plus pessimistes sont dépassés par la réalité et les gouvernements doivent agir de manière urgente, sans quoi nous courons à notre perte.

Les craintes que suscitent de telles prévisions ont chez moi une résonance personnelle depuis longtemps. Au début de l’âge adulte, ma psychologue m’apprenait que l’essence du trouble anxieux qu’on venait de me diagnostiquer est de s’accrocher à tout objet qui nous entoure. Elle venait de mettre des mots sur des peurs qui m’avaient accompagné depuis la fin de mon enfance. Durant des années, j’avais scruté obsessivement l’indicateur de température de la voiture de ma mère en comparant le chiffre que j’avais sous les yeux à la normale à ce temps de l’année. La pluie à Noël me glaçait le sang. J’éprouvais un inconfort viscéral à me trouver dans une voiture dont le moteur roulait sans raison. J’en voulais même aux employés de la ville qui enlevaient la neige des rues le lendemain d’une tempête parce qu’ils me mettaient sous les yeux le bitume découvert des hivers plus chauds que le changement climatique nous réserverait à l’avenir.

Écoanxiété

Ce chapitre de ma vie illustre le fait que les troubles mentaux ont des causes multiples qui ne se limitent pas à un dérèglement chimique dans la tête de quelqu’un. En effet, selon le paradigme actuel en psychiatrie, la santé mentale d’un individu repose non seulement sur des facteurs d’ordre biologique et individuel, mais également d’ordre environnemental et social. Notre santé mentale sera bel et bien ébranlée si l’on est plongé dans le mal à cause de facteurs extrinsèques.

C’est pourquoi vivre tous les jours avec une épée de Damoclès comme le bouleversement planétaire en cours est un facteur de risque important qui détériore la santé mentale de tout un chacun.

Pas étonnant que les résultats d’un sondage Ipsos rapportés dans La Presse le 16 octobre dernier1 indiquent que 59 % des répondants éprouvent de la peur face au changement climatique. C’est sans compter la détresse causée par les changements climatiques lorsqu’ils se matérialisent. Dans la foulée des incendies de forêt qui ont dévasté l’Ouest américain, un article du New York Times publié l’été dernier rapportait que des évènements d’une telle nature peuvent entraîner des symptômes dépressifs ou de stress post-traumatique.

Comment remédier à tout ce mal-être ? Comme le faisait ma psychologue dans le passé avec moi, aujourd’hui, dans ma pratique de pair aidant, j’encourage les jeunes que je vois à dédramatiser les évènements et à agir lorsque c’est possible pour se défaire du sentiment d’impuissance que leur inflige la maladie. Or, ces deux stratégies peinent à suffire lorsqu’on parle d’une menace proprement existentielle et qu’on essaie de nous faire croire que le salut passe par des sacs de plastique plus épais et des pailles en carton.

Agir une fois pour toutes

Aussi, il est de mon avis que d’exercer des pressions fortes lors des négociations multilatérales de la COP26 à Glasgow le mois prochain serait une formidable action de santé publique dans la mesure où elle contribuerait éventuellement à créer un impact majeur sur le bien-être de millions de Canadiens. Le Canada doit user de tous les moyens que lui confère son statut de puissance moyenne pour laisser une marque saillante à l’occasion de ce sommet historique.

C’est sans parler des politiques ambitieuses que devra adopter à l’échelle canadienne le gouvernement Trudeau qui se targue d’être un défenseur de l’environnement en dépit d’un bilan mitigé.

Imaginons un instant combien la vision de l’avenir d’une génération entière, la mienne, serait profondément transformée du fait qu’on n’ait plus à se soucier de la survie de nos enfants. Comme le souligne une étude parue dans The Lancet en 2019, des actions ambitieuses pourraient éviter des morts attribuables à l’insécurité alimentaire ou à l’augmentation du nombre d’évènements climatiques extrêmes. De telles actions pourraient enfin insuffler un peu d’espoir à tous. Peut-être pourrait-on alors vraiment parler de « voies ensoleillées ».

1. Lisez l’article « Sondage sur les changements climatiques : une majorité de jeunes disent éprouver de la peur » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion