L’annonce du Canadien de Montréal concernant la lecture d’un message de reconnaissance territoriale en l’honneur des peuples autochtones1 avant chaque match à domicile m’a agréablement surprise.

J’ai alors pensé à tous les jeunes hockeyeurs autochtones qui aspirent à jouer au sein de la Ligue nationale de hockey, pour qui le hockey est une passion qui les fait rêver. Je ne pourrais dire le nombre de ces joueurs, mais je peux confirmer que le hockey est fort populaire au sein des peuples autochtones. Et quand ces jeunes ont notamment comme modèle Carey Price, c’est d’autant plus motivant ! Cela dit, mes opinions sur le hockey étant relativement limitées, je vais plutôt m’attarder à la dimension territoriale.

Les formules de reconnaissance territoriale sont de plus en plus courantes. Pour travailler dans le domaine, nous recevons des requêtes régulièrement en ce sens. C’est franchement rafraîchissant et énergisant que de telles démarches soient mises de l’avant, souvent sans que les peuples autochtones aient à insister pour qu’elles se produisent. Organisations, entités et individus emboîtent le pas de la reconnaissance territoriale avec sincérité. C’est un geste bienvenu, mais qui peut vite devenir une formalité banale. C’est pour éviter que cela prenne une telle tournure que je voulais vous faire partager mon opinion à ce sujet.

Il est important de comprendre qu’une reconnaissance territoriale n’est pas une finalité en soi. Elle représente plutôt une amorce de dialogue qui peut aller bien au-delà de la dimension territoriale.

Il serait idéal que les différentes parties prenantes qui souhaitent s’engager dans un tel dialogue prennent le temps en amont de réfléchir en profondeur sur ce que cela signifie pour elles de formuler une reconnaissance territoriale.

C’est louable de reconnaître l’héritage millénaire des différents peuples autochtones sur le territoire utilisé, mais il convient de tenir compte de toute la dépossession que cette même utilisation a générée.

Dans le cas de ma Nation, la Nation W8banaki, la dépossession s’est inscrite rapidement au fil de la colonisation. Ainsi, l’accès à certains secteurs sur le Ndakina, notre territoire ancestral, a été restreint, voire empêché, pendant des centaines d’années, provoquant une perte de mémoire considérable des lieux culturellement importants, en oubliant même au passage comment ces différents lieux étaient désignés en aln8ba8dwaw8gan (langue abénakise). Même certains lieux de sépulture sont complètement privatisés, certains auxquels nous avons accès et d’autres pas. Comment préserver un lien respectueux avec les ancêtres si nous ne pouvons veiller à leur assurer un repos adéquat sans perturbation potentielle des lieux ? Cette dépossession a eu des incidences non seulement sur le plan territorial, mais également sur le plan identitaire où la passation des savoirs de la Nation au fil des générations a été compromise à plusieurs reprises, fragilisant notre culture et notre langue.

Quand on me contacte pour développer une formule de reconnaissance territoriale, je suis emplie d’espoir, mais je porte en moi tout ce bagage. Comment articuler cette reconnaissance pour que ce soit tangible pour nous en tant que Nation ?

Il y a lieu de trouver une approche qui soit mutuellement bénéfique. Au-delà des mots, comment pourrait-elle être porteuse d’actions concrètes ? D’une reconnaissance pleine et entière ? Les exemples sont fort nombreux : permettre l’accès au territoire pour les différents usages traditionnels, s’engager à veiller sur des lieux de sépulture (afin d’éviter le pillage et la destruction de ceux-ci), contribuer en ressources humaines et financières à des projets pour protéger des ressources valorisées par la Nation, offrir des formations et du partage d’expertise, etc.

Cela dit, mes attentes demeurent relativement claires : que cette reconnaissance contribuera à ce que nous apprenions à nous connaître, à faire partager nos aspirations et visions sur le territoire, à tisser des liens de collaboration, des alliances. J’ose rêver que nous saurons développer une relation qui générera des retombées pour les membres de la Nation en termes d’occasions favorables, d’accès et de connexions au Ndakina. Nous permettra d’assurer adéquatement notre responsabilité d’intendants sur le territoire en ayant en tête sa pérennité pour les générations futures.

Une reconnaissance territoriale ne tient généralement que sur quelques lignes. Elle est prononcée d’entrée de jeu à diverses occasions. Pour moi, elle est le fondement même de qui je suis et du lien qui me lie au territoire de ma Nation. Il y a lieu de travailler ensemble pour que ces reconnaissances territoriales soient réellement significatives et qu’elles incarnent adéquatement les visées recherchées.

Je suis convaincue que c’est absolument possible !

Wliwni (se dit olé-oné), merci !

Wli nanawalmezi ! Prends bien soin de toi !

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