Le projet de loi 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin, a été présenté à l’Assemblée nationale du Québec en septembre 2019. Par la suite, il y a eu des consultations particulières en janvier et février 2020 qui ont entendu près d’une quarantaine d’intervenants et de groupes. Le rapport de la commission parlementaire a été déposé le 11 février 2020. Puis, le 8 octobre 2020, tous les députés, à l’exception de ceux du Parti libéral du Québec, ont appuyé le principe du projet de loi. Malgré tout, un an plus tard, son étude détaillée n’a jamais commencé à la Commission des institutions.

Durant la dernière année, le gouvernement Legault a manqué de transparence et a toujours fait mine de vouloir agir plus tard dans le dossier – comme l’ont fait les précédents gouvernements au Québec. Le 7 octobre, François Legault a toutefois affirmé « qu’il n’est pas réaliste de penser qu’on va avoir ce grand débat important avant octobre 2022 », laissant alors sous-entendre qu’il reniait son engagement de réformer le mode de scrutin.

Le repêchage du projet de loi 39 ?

Rappelons que la session parlementaire a été prorogée le 13 octobre et que ce geste entraîne normalement la « mort au feuilleton » des projets de loi qui n’avaient pas encore été adoptés. Malgré tout, il est possible de repêcher un projet de loi et de reprendre son étude dans une nouvelle session parlementaire. Des médias ont rapporté la semaine dernière que le cabinet du premier ministre avait assuré que tous les projets de loi encore non adoptés (à l’exception du projet de loi 61) devraient être remis au feuilleton après le discours d’ouverture du premier ministre Legault.

Cela fait maintenant plus d’un an que le projet de loi 39 est dans les limbes parlementaires. Si le gouvernement veut réellement repêcher ce projet de loi et reprendre son étude, il doit le faire de bonne foi et procéder promptement pour l’adopter d’ici juin 2022, soit avant la fin des travaux parlementaires, et ce, avec des bonifications (souhaitons-le) qui transcendent les intérêts partisans. S’il rappelle le projet de loi 39, le gouvernement ne doit pas chercher à faire reposer un possible échec de la réforme du mode de scrutin sur les partis de l’opposition. Au départ, trois partis (la Coalition avenir Québec, le Parti québécois et Québec solidaire) appuyaient clairement la réforme, tandis que le Parti libéral du Québec s’y opposait.

À ce sujet, François Legault avait déclaré que les libéraux n’avaient pas un droit de veto sur la réforme du mode de scrutin au Québec et que le gouvernement pouvait procéder avec l’appui de trois partis représentés à l’Assemblée nationale, lesquels ont reçu ensemble plus de 70 % des suffrages aux élections générales d’octobre 2018. Il s’agissait du consensus essentiel exprimé par le premier ministre. Cette situation n’a pas changé trois ans plus tard.

Le succès ou l’échec de l’adoption du projet de loi 39 repose donc sur les seules épaules du gouvernement Legault. Si le projet de loi 39 est adopté d’ici juin 2022, qu’on laisse les citoyens décider lors d’une éventuelle consultation populaire s’ils veulent ou non du nouveau mode de scrutin, et ce, dans le milieu du prochain mandat, idéalement entre 2023 et 2024. Donnons à la population le pouvoir de trancher le débat.

Si le gouvernement renie son engagement

Si, ultimement, François Legault renie officiellement son engagement de réformer le mode de scrutin, cela ne sera malheureusement pas surprenant. Il aura agi comme les précédents partis politiques qui changent d’opinion sur la question lorsqu’ils passent de l’opposition au gouvernement. Une fois bien installés au pouvoir, les gouvernements québécois ont traité de cet enjeu sans grande conviction durant leur mandat. Après toutes ces démarches, on peut comprendre l’indignation des militants et groupes qui ont participé de bonne foi et qui ont cherché à collaborer ces dernières années avec le gouvernement Legault pour mener à terme une réforme du mode de scrutin au Québec.

C’est depuis 2015 que la Coalition avenir Québec affirme publiquement vouloir réformer le mode de scrutin au Québec. Dans l’opposition, François Legault avait déclaré que la classe politique avait un déficit de crédibilité sur la réforme du mode de scrutin, mais il avait promis que son gouvernement, contrairement à ceux du PLQ et du PQ, allait agir sur la question. François Legault avait raison seulement sur la première partie de son affirmation. Même s’il n’apprécie pas la comparaison, il aura agi comme Justin Trudeau, tout en repoussant encore plus loin l’hypocrisie politicienne sur cet enjeu. À un an des prochaines élections, qu’il mette fin à cette supercherie ou qu’il agisse en homme d’État et honore sa parole.

*Julien Verville est l’auteur du livre La réforme du mode de scrutin au Québec, Trajectoires gouvernementales et pistes de réflexion (Presses de l’Université du Québec, 2020)

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