Nous avons récemment assisté avec beaucoup d’empathie au dévoilement du rapport d’enquête sur la mort de Joyce Echaquan. Bien que la coroner ait outrepassé son mandat en se positionnant sur l’idéologie du racisme systémique, nous avons pu constater avec horreur les préjugés et les discriminations dont Mme Echaquan a été victime.

Et puisque ce rapport a été judicieusement dévoilé le lendemain de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation du Canada, il n’en fallait pas plus pour enflammer et politiser le débat sur le racisme systémique au Québec.

Je ne peux m’empêcher d’appréhender les dérives de ce débat de société sur l’idéologie du racisme systémique, car ses partisans en ont une vision manichéenne, en s’attribuant subjectivement une position vertueuse (comment pourrait-on s’opposer à la vertu ?), alors que ses opposants perçoivent cette idéologie comme le cheval de Troie du multiculturalisme canadien (et anglo-saxon), qui permettrait ensuite de discréditer des pans complets de la nation québécoise, comme l’interculturalisme québécois ainsi que les lois visant à protéger le français et la laïcité au Québec.

C’est d’ailleurs dans cette optique que l’animatrice du dernier débat électoral fédéral en anglais, Shachi Kurl, reprenant ce qui se dit et ce qui se pense dans un Canada déjà immergé par l’idéologie du racisme systémique, s’est permis un amalgame douteux entre le racisme systémique, le projet de loi 96 (visant à bonifier la loi 101 et protéger la langue française) et la loi 21 (confirmant la laïcité de l’État). Je me permets donc de partager ma crainte, moi aussi, envers cette idéologie.

Pour certains, il ne s’agit que d’un débat sémantique, mais dans les faits, les mots et leurs définitions ont toute leur importance.

Et bien qu’aucune définition ne fasse encore consensus, la notion de racisme systémique consiste à dire que toute forme de disparité statistique dans la composition de la population est l’effet d’un système qui engendre le racisme. En d’autres mots, si on retrouve « trop » ou « pas assez » de personnes « racisées » dans une catégorie par rapport à leur proportion au sein de la population, on en déduira nécessairement que quelque chose dans le système (des institutions, des lois ou des politiques) provoque ce déséquilibre qu’on devrait associer à du racisme.

De fausses bonnes idées

Or, ces disparités statistiques sont plutôt généralement liées à plusieurs facteurs socio-économiques complexes qui n’ont que très peu à voir avec le racisme. Ainsi, non seulement l’idéologie du racisme systémique simplifie à outrance le contexte socio-économique observé, mais aussi il permet d’en tirer de fausses bonnes idées comme conclusion. C’est ainsi que dans son livre Constitution du Québec 101, le sociologue et avocat spécialisé en droits et libertés Daniel Payette postule sans aucune gêne qu’exiger un diplôme d’études collégiales pour devenir policier est un exemple de racisme systémique puisque les personnes noires ou autochtones ne seraient pas assez scolarisées, selon les statistiques. Je vous laisserai donc extrapoler toutes les autres dérives potentielles…

Quant aux Autochtones, les partisans de l’idéologie du racisme systémique ont tendance à instrumentaliser leur noble cause. Je peux évidemment comprendre que certains Autochtones reprennent naturellement ce vocabulaire puisque c’est sous cet angle qu’ils se constituent une voix au Canada anglais, mais analyser leur délicate situation sous l’angle du racisme systémique est réducteur.

En effet, ce que les Autochtones vivent depuis des siècles, c’est du racisme d’État, à travers une politique d’apartheid institutionnalisée par le gouvernement canadien et sa fameuse Loi sur les Indiens.

Plus qu’un débat sémantique, ce dont les Autochtones ont besoin, ce sont des actions concrètes, dont l’abolition de cette infâme loi. J’invite donc nos élus à livrer les actions promises, à conclure des ententes de nation à nation, au rythme souhaité par chacune des 11 nations autochtones du Québec, et surtout, à plus de transparence quant à l’état d’avancement de ces actions, car le silence permet toujours de spéculer le pire.

En somme, nous devons plus que jamais travailler ensemble pour combattre le racisme et la discrimination, mais il faut également faire la distinction entre ce combat et le débat sur l’idéologie du racisme systémique. En fait, je souhaite de tout cœur que le Québec puisse résister à la vague déferlante de cette idéologie en Occident, même si nous nous trouvons à être l’un des seuls États en Amérique à défendre le rationalisme, le progressisme et l’universalisme hérité des Lumières.

Il ne faut pas minimiser le racisme, malheureusement encore présent chez certains individus, mais la « racialisation » du système et de toutes nos interactions ne peut en aucun cas faire partie de la solution. J’invite donc mes concitoyens québécois de toute origine et de toute religion à faire connaître leur mépris du racisme et des comportements racistes, car c’est indiscutablement inacceptable dans notre société. Mais je les invite également à s’opposer à l’idéologie du racisme systémique, qui risque de provoquer plus de tensions que d’apaisement ainsi que de fragiliser la nation québécoise, et ce, sans pour autant permettre d’y voir plus clair ni de trouver les bonnes solutions.

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