La viande cultivée en laboratoire pourrait devenir une réalité au Canada d’ici 2025, mais la route s’annonce difficile.

Leonardo DiCaprio se sert de son pouvoir de mégavedette pour investir dans deux jeunes entreprises américaines fabriquant de la viande de culture en laboratoire à base de cellules animales, bien évidemment.

Ce même DiCaprio avait investi dans une entreprise de protéines végétales avant même que le phénomène végétal ne prenne du galon. Cette entreprise était nulle autre que Beyond Meat, qui vaut maintenant plus de 8 milliards de dollars. Il avait flairé la bonne affaire bien avant beaucoup d’entre nous. Toutefois, l’idée de remplacer l’industrie de l’élevage animal par des laboratoires revêt un côté tout simplement fascinant.

L’idée de voir l’humanité profiter des protéines animales sans élever du bétail intrigue grandement. Dans quelques années, nous pourrions potentiellement faire pousser de la viande dans les laboratoires, et même dans nos propres cuisines à l’aide de petits bioréacteurs en acier inoxydable. Tous les problèmes que les usines d’abattage de viande ont dû affronter pendant la pandémie, les fermetures, les nombreux rappels de viande pourraient devenir choses du passé.

Singapour a légalisé la vente de poulet de laboratoire l’année dernière et de nombreux autres pays envisagent de lui emboîter le pas.

Un rapport de McKinsey & Co. a récemment suggéré que le marché mondial de la viande cultivée pourrait atteindre 25 milliards de dollars d’ici 2030. Les prévisions suggèrent également que le coût de la production baissera considérablement au cours des neuf prochaines années, passant de plus de 10 000 $ la livre à environ 2,50 $ la livre, une réduction stupéfiante.

Selon certaines estimations, les bovins consomment environ 25 calories de matière végétale pour chaque calorie de protéine comestible qu’ils produisent pour le marché. Pour les poulets, le rapport plante/viande est plus efficace, car ils mangent de 9 à 10 calories de nourriture pour chaque calorie de protéine comestible produite. La viande cultivée en laboratoire offrirait un rapport de 4 pour 1, soit moins de la moitié des besoins des poulets. Les comparaisons deviennent même très difficiles à faire. Et puisque le monde occidental monnaye de plus en plus le carbone et pénalise la pollution, la production plus durable de protéines animales sera encouragée par notre nouvelle économie de distribution et de production.

Trouver la bonne formule

Mais la science n’a pas complètement percé le mystère de la viande de culture. Sur le globe, on compte plus de 100 projets de recherche différents, financés par de nombreux investisseurs en capital de risque et des philanthropes. À plusieurs reprises, les entreprises de viande cultivée ont raté les dates de lancement des produits. Alors, trouver la bonne formule et le bon produit n’est pas si évident.

De plus, l’idée que la viande de laboratoire a un avenir ne sera pas facile à faire accepter au public. La nourriture se greffe à notre culture et à nos traditions culinaires qui ont donné à la viande un rôle privilégié pendant plusieurs siècles, du moins en Amérique du Nord. Permettre aux laboratoires de remplacer les fermes ne se fera pas en criant ciseau.

Plus important encore, l’occupation du territoire deviendra un enjeu très important. Avec moins d’animaux à nourrir, il faut se demander à quoi serviront nos terres agricoles en région.

Plus de viande cultivée dans notre alimentation peut signifier moins de fermes, moins d’agriculteurs, ce qui compromettra certes la prospérité de notre économie rurale. Ce sera certainement un lourd défi à affronter au Canada, l’un des plus grands pays du monde. Il faudra s’attendre à ce que de nombreux groupes résistent, comme nous l’avons vu dernièrement avec le mouvement des protéines végétales.

Étiquetage

L’étiquetage constituera un autre problème. Le coût de production de la viande cultivée en laboratoire finira par être inférieur à celui des produits traditionnels. Cela pourrait rendre les protéines animales plus abordables, si elles portent un étiquetage qui donne le choix aux consommateurs. Mais comme on le voit avec le saumon génétiquement modifié au Canada qui coûte près de 60 % moins cher à produire, les consommateurs n’ont aucune chance de voir les prix baisser en raison de ces nouvelles technologies. Certains épiciers boycotteront publiquement le produit, mais le vendront toujours sous une autre forme plus transformée. C’est une situation franchement malhonnête.

La viande cultivée en laboratoire a le potentiel de changer notre relation avec les protéines animales. Mais comme pour de nombreuses autres technologies perturbatrices et révolutionnaires qui peuvent mieux servir notre planète, le changement s’annonce ardu.

Elon Musk a compris il y a longtemps que pour donner à la voiture électrique sa juste place, il fallait à la fois écarter les puissants cartels des concessionnaires automobiles, l’influence de l’industrie pétrolière et l’incroyable poids économique des constructeurs automobiles. Il devait développer un argumentaire de taille pour la voiture électrique auprès du consommateur, et c’est ce qu’il a fait. Musk est devenu le communicateur et le rêveur dont la voiture électrique avait besoin et a ainsi construit tout un écosystème pour prendre en charge une nouvelle technologie et la rendre plus accessible. Il y a 15 ans, beaucoup de gens considéraient Elon Musk comme un individu farfelu aux idées loufoques. Son entreprise Tesla vaut aujourd’hui plus de 700 milliards de dollars ; une histoire simplement incroyable.

Si nous voulons donner une chance aux aliments cultivés en laboratoire de se vendre sur le marché, l’industrie aura besoin de son propre Elon Musk. Ou peut-être que cette personne sera Leonardo DiCaprio.

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