Comme plusieurs Québécois, nous nous réjouissons de l’entente entre Hydro-Québec et l’État de New York, qui permettra à notre province, par son fleuron, de participer à la décarbonation de l’économie nord-américaine. Une énergie « verte » qui traversera le Québec depuis la Baie-James et la Côte-Nord. D’abord dans des câbles aériens, puis sous terre, sur des centaines de kilomètres, chez nos voisins et au Québec. Cela marque-t-il le début d’une nouvelle ère chez Hydro-Québec, où les paysages seront réellement pris en compte dans les projets de lignes à haute tension ?

Jusqu’ici, Sophie Brochu nous a épargné le discours que tenait son prédécesseur Éric Martel, selon lequel seules les lignes destinées à l’exportation méritent d’être enfouies parce que payées par les Américains. Cela revient à dire qu’il existe deux catégories de Québécois et il s’agit d’un discours qui tient d’une vision dépassée du développement. De plus, l’enfouissement des portions québécoises de ces lignes est payé en réalité par Hydro-Québec, avec de l’argent appartenant à tous les Québécois.

Pourquoi la ligne jusqu’à New York sera-t-elle enfouie ? Aux États-Unis, les mécanismes d’autorisation sont loin d’être une simple formalité, et certains États en ont sûrement assez de se battre contre les citoyens et de voir ces projets s’éterniser. Quand ils n’avortent pas tout simplement, comme ce fut le cas pour le projet Northern Pass. Et cela, malgré un enfouissement sur une centaine de kilomètres. Rappelons-nous aussi que Philippe Couillard avait exigé pour ce projet l’enfouissement au Québec, dans la forêt Hereford. Une décision politique puisqu’une étude d’Hydro-Québec, produite suivant les recommandations du BAPE, concluait qu’une ligne aérienne était préférable pour des questions de coûts, d’environnement et d’acceptabilité sociale.

Dans les Laurentides, Hydro-Québec a avancé les mêmes arguments pour refuser l’enfouissement sur une dizaine de kilomètres, dans des chemins existants, demandé par Saint-Adolphe-d’Howard et la MRC des Pays-d’en-Haut, avec l’appui de l’ensemble des Laurentides. Résultat : un tracé situé en grande partie en zone escarpée, ce qui présentait un défi si grand pour la société d’État qu’elle a été incapable d’en gérer adéquatement les impacts environnementaux. À cela s’est ajoutée une grande négligence, ce qui a conduit à une ordonnance du ministre de l’Environnement et à l’ouverture d’une enquête pénale qui est toujours en cours.

Le refus d’enfouir dans les Laurentides a mené à un long et médiatisé affrontement entre Hydro-Québec et les citoyens/élus régionaux, ce qui a contribué à ternir l’image de notre fleuron. Et il a coûté cher aux Québécois !

Entre 2016 et 2020, les coûts de cette ligne sont passés de 98 millions à 128,6 millions, soit une hausse de 30,6 millions. Quelle part revient uniquement à la protection de l’environnement exigée par le ministère de l’Environnement ? Malgré des démarches devant la Commission d’accès à l’information (CAI), impossible de le savoir. Hydro-Québec est incapable de dire combien ont coûté les mesures environnementales extraordinaires déployées dans les Laurentides. Une affirmation si étonnante – et inacceptable de la part d’une société d’État –, que la CAI a demandé qu’elle soit faite sous serment. Hydro-Québec a donc produit une déclaration sous serment.

L’enfouissement des lignes, comme cela sera fait pour le projet de New York, ne doit plus être une exception au Québec. Cela doit devenir une réelle option.

L’un des grands défis pour Sophie Brochu devrait être de préparer les Québécois à faire le deuil d’une énergie produite et transportée à de très faibles coûts monétaires afin que, enfin, nos précieux paysages et notre environnement soient protégés, et que des sagas comme celle de Saint-Adolphe ne se répètent pas.

* En 2014, les auteurs ont représenté la municipalité de Saint-Adolphe-d’Howard au sein du comité technique régional mis sur pied par Hydro-Québec pour le projet du Grand-Brûlé. Mme Perreault, à titre de conseillère scientifique, et M. Fortin, comme directeur général de la municipalité.

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