C’est le 22 septembre dernier que s’est terminée l’étude détaillée du projet de loi 59 réformant le système québécois de santé et de sécurité du travail. Avec 37 séances en commission parlementaire, le PL59 remporte le titre du projet de loi le plus chronophage du gouvernement caquiste.

Une modernisation anachronique

Malgré 122 heures de débats, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail ne peut qu’être qualifiée d’anachronique. En effet, les modifications en prévention ne font que reconduire le piètre classement du Québec, puis les droits des victimes de lésions professionnelles subissent des reculs sans commune mesure.

En prétendant moderniser la prévention, le ministre du Travail, Jean Boulet, n’a fait que poursuivre l’objectif de la dernière réforme de 1985 : réduire le coût du régime pour les employeurs.

Le mythe dépassé des intérêts communs

Tout au long de l’étude détaillée, le ministre affirmait que les employeurs et les employés partageaient les mêmes intérêts en matière de santé et de sécurité du travail. En réalité, la priorisation du profit et la crainte de représailles des personnes salariées entravent toute collaboration.

Pour les employeurs, la prévention des risques représente généralement un investissement qui est supérieur aux coûts engendrés par l’indemnisation des accidents de travail ou des maladies professionnelles.

Moins il y a d’obligations en prévention, plus les employeurs ne font que prévoir les coûts d’indemnisation dans leur montage financier.

Au lieu de rééquilibrer un tant soit peu la dynamique, le PL59 démantèle le droit à la réparation, puis accroît les pouvoirs discrétionnaires des employeurs au détriment des travailleurs et travailleuses qui perdent des pouvoirs de participation à la prévention. Pourtant, il est démontré qu’une participation locale et active du personnel est bénéfique, surtout en matière de santé psychologique.

D’un projet de loi « féministe » à une réforme sexiste

En ce qui concerne les travailleuses, d’un côté, elles sont aux prises avec des risques spécifiques : demandes psychologiques élevées, troubles musculosquelettiques, faible pouvoir décisionnel, manque de reconnaissance, etc. De l’autre, elles sont privées jusqu’à ce jour des ressources et des mécanismes de participation nécessaires à leur santé et sécurité du travail.

Or, après 40 ans d’attente et 18 mois de pandémie, on indique tout de même aux femmes du secteur tertiaire qu’elles ne méritent que 25 % des mesures de prévention en vigueur dans les secteurs majoritairement masculins (primaire et secondaire). Tout un dénouement pour ce projet de loi qualifié au départ de féministe par le ministre.

Disposer de la peau des autres

Le médecin Roch Banville, camarade de longue date de Michel Chartrand1, écrivait à la fin des années 1990 dans son livre La peau des autres : Non au travail qui estropie, empoisonne et tue ! que l’histoire des lois des accidents de travail au Québec se résume en un siècle d’injustice et à « comment disposer de la peau des autres ».

Si elle n’est pas rejetée ou complètement réécrite, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail ne sera qu’une autre « loi sociale pour les boss » affaiblissant le droit à la santé de l’ensemble des travailleurs et travailleuses.

1. Ensemble, ils ont fondé en 1983 un organisme de défense des travailleurs accidentés qui a dû cesser ses activités en 2019 faute de financement adéquat.

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