Notre collaborateur résume dans ce texte l’essentiel de sa présentation devant la Commission parlementaire sur le projet de loi 96 sur le français.

La claire prédominance du français

Il s’agit de quelque chose qui, loin d’être dépassé, apparaît crucial si l’on regarde non pas du côté du passé du Québec, mais bien de son avenir.

Si je n’avais qu’un conseil à donner, ce serait que, pour la première fois, une loi affirme cette norme de la claire prédominance du français au Québec, sans exclusion de l’anglais, dont la présence n’est pas obligatoire.

Le qualificatif « claire » est évidemment crucial ici. Non seulement cette affirmation n’est pas incompatible avec celle que le français est la langue officielle, mais elle la renforce en l’ancrant dans la réalité.

Car, qu’on le veuille ou non, l’anglais est présent ici depuis 250 ans et il le restera, émergeant de diverses façons dans notre société. Au lieu de le nier ou de l’escamoter par l’euphémisme « une autre langue », la meilleure façon de le contrôler, c’est de ne pas lui accorder la même importance que le français. Sinon, au-delà des grandes déclarations, ce dernier sera de moins en moins la langue commune québécoise.

Simple, réaliste, valorisante pour le français, la claire prédominance de ce dernier est déjà appliquée efficacement par d’innombrables établissements commerciaux.

Cette norme devrait être systématiquement rappelée par les représentants de l’État, une des définitions du Québec de demain étant que c’est cet endroit d’Amérique du Nord où le français est clairement prédominant.

Le modèle québécois d’intégration

Le multiculturalisme canadien constitutionnalisé en 1982 et de plus en plus sans limites nuit à l’intégration des nouveaux arrivants à la société québécoise. Il a donné naissance à une idéologie dévalorisant systématiquement une majorité francophone placée sur la défensive du seul fait qu’elle est ce qu’elle est.

C’est ainsi que certains ont trouvé déplacé, tenant compte de l’importance supposément plus grande du Black Lives Matter, que des Québécois soient choqués par l’absence de français lors des grandes manifestations contre le racisme à Montréal en 2020.

Il faut profiter de la révision de la politique linguistique pour affirmer dans la loi la principale différence du modèle d’intégration québécois avec un multiculturalisme canadien qui ne reconnaît pas l’existence d’une culture d’accueil.

La société distincte québécoise, elle, se caractérise par une majorité francophone vers laquelle les nouveaux arrivants sont invités à converger sans abandonner leur culture d’origine.

La claire prédominance du français inhérente à cette société fera que notre langue passera avant certaines pratiques associées au multiculturalisme et qui rabaissent le français sous couvert d’ouverture à la diversité.

Le ministre Simon Jolin-Barrette a réussi un coup de maître en proposant d’intégrer à la Constitution le fait que le Québec est une nation dont la langue officielle est le français. Il faudrait ajouter une phrase précisant qu’il constitue également une société distincte majoritairement francophone vers laquelle les nouveaux arrivants sont invités à converger.

Les cégeps

Ce fut en rétrospective une erreur de ne pas assujettir à la loi 101 ces établissements publics d’enseignement que sont les cégeps, dont les élèves arrivent à un âge décisif pour leur intégration à la vie adulte.

Cela apparaissait tolérable aussi longtemps qu’une claire majorité de francophones de souche ou issus de l’immigration choisissaient de poursuivre leurs études collégiales en français. Les derniers chiffres montrent que ce sera de moins en moins le cas, la clientèle de certains cégeps anglophones étant déjà majoritairement non anglophone.

Le premier ministre François Legault est en face de la dernière occasion de corriger une erreur proprement historique dans un domaine de souveraineté québécoise.

Certains adhèrent à une vision dépassée en cette ère de l’internet dominée par l’anglais, où le libre-choix au collégial permettrait aux francophones d’apprendre cette langue. La réalité est tout autre et tragique : le Québec finance de plus en plus à grande échelle, de façon masochiste, le choix de nombreux allophones et d’une partie croissante des francophones de s’intégrer à la communauté anglophone.

Ce changement serait controversé, mais il serait surtout le signe que la révision de la politique linguistique n’est pas que cosmétique, le Québec restant capable de s’attaquer à ce qui est déterminant pour l’avenir du français.

Le projet de loi 96 manque cruellement d’un cœur structurant, d’un moteur politique. L’audace est ici nécessaire, la controverse pouvant être féconde en politique, l’obsession de ne pas faire de vagues le signe d’un problème.

Il n’apparaît pas nécessaire enfin d’insister sur le fait que le français est la seule langue officielle du Québec, affirmation inutilement défensive à une époque où l’on voit de l’exclusion partout et où il faut s’attendre à des demandes, auxquelles il ne faut pas consentir, pour donner un statut officiel aux langues autochtones.

« Le français est la langue officielle du Québec » apparaît en définitive plus fort.

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