Le confinement nous a fait réaliser l’essentiel. L’essentiel, comme dans la chanson de Ginette Reno. L’essentiel d’être avec ceux qu’on aime et pouvoir les enlacer et les embrasser…

Les Québécois ont attendu longtemps l’essentiel avant de revoir leurs proches et leurs aînés, isolés dans les CHSLD. Mais pour beaucoup d’immigrants, c’est une tout autre histoire !

L’attente de revoir leurs parents et familles, restés au pays, est encore longue et affligeante. Beaucoup ont perdu des proches et n’ont pas pu faire leur deuil. Tout se vivait virtuellement, par téléphone ou sur les réseaux sociaux. Je n’osais même plus regarder mon compte Facebook, devenu une sorte de site nécrologique. Il était courant d’apprendre le décès de quelqu’un, alors que leur dernier statut Facebook était un appel pour trouver de l’oxygène… En Algérie, en Tunisie, en Inde et dans beaucoup d’autres pays, la vaccination a commencé très tard et est administrée au ralenti. On a vu circuler d’horribles vidéos de gens mourant en direct devant des hôpitaux, faute d’oxygène.

Parmi mes compatriotes de la communauté algérienne, il y avait un sentiment d’inquiétude doublé d’un sentiment de culpabilité difficile à contenir : celui de vivre dans un pays où l’on peut compter sur un système de santé qui, malgré ses imperfections, fonctionne convenablement. C’est ce qui explique sans doute la puissante vague de solidarité qui s’est déclenchée dans la diaspora. Une multitude d’initiatives ont vu le jour : des groupes se sont organisés pour financer l’achat de concentrateurs d’oxygène ou en expédier vers leurs pays d’origine.

Il y a près d’un mois, j’ai rencontré une jeune femme, Aya, lors d’un 5 à 7 entre amis au parc. La jeune Marocaine n’avait pas vu sa mère depuis le début de la pandémie. L’évocation de sa maman embuait ses grands yeux couleur de miel. Elle a tout fait pour que celle-ci se fasse vacciner, afin de pouvoir la mettre dans le premier avion en partance vers Montréal. Elle a fait des pieds et des mains pour la faire vacciner, lui faire faire les tests PCR et lui trouver des billets d’avion. Des mois d’attente et un nombre incalculable d’appels téléphoniques et de démarches incessants, pour qu’à la fin, on lui annonce que sa maman ne peut pas venir… parce qu’elle n’a pas le bon vaccin : le Canada n’accepte pas le vaccin chinois, Sinovac !

Isabelle, elle, est arrivée du Sénégal il y a une dizaine de jours. C’est une citoyenne canadienne dotée d’un passeport canadien en bonne et due forme. Mais elle ne savait pas que son vaccin chinois n’allait pas être accepté à l’aéroport. Elle m’a raconté, au téléphone, ses tribulations à l’aéroport de Montréal. Elle a suivi, à la lettre, les directives compliquées de Santé Canada. Elle a téléchargé l’application ArriveCAN et réussi à y entrer toutes ses données. Munie d’un reçu numéroté, elle croyait détenir le sésame. Mais, en arrivant à l’aéroport, on lui apprend que son vaccin n’est pas reconnu. Pire, elle n’est même pas considérée comme vaccinée ! Isabelle a rongé son frein dans une quarantaine imposée qu’elle n’avait pas planifiée. Il lui reste maintenant à essayer de faire reconnaître son vaccin. On lui laisse entendre qu’elle devra probablement refaire sa vaccination. Cette perspective la met dans tous ses états. Elle ne comprend pas. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pourtant reconnu tous ces vaccins, s’indigne-t-elle !

Les citoyens des pays « pauvres » sont devenus les victimes collatérales d’une guerre de vaccins où se mêlent affrontements géopolitiques, intérêts économiques, lobbyisme du cartel de Big Pharma et protectionnisme nationaliste.

Les pays moins nantis reçoivent des vaccins par « lots ». Parcimonieusement. Lorsqu’il s’agit de donations, ils se ramassent souvent avec des vaccins rejetés dans les pays riches, comme celui d’AstraZeneca. Un ami, qui vit en Algérie, me disait que ceux qui veulent éventuellement voyager en Europe sont contraints d’opter pour le vaccin d’AstraZeneca. « Au diable les risques d’embolies pourvu qu’on puisse quitter ce bled », m’a-t-il lancé dans un humour noir très algérien.

Le nationalisme vaccinal et le bien commun de l’humanité

Au tout début de la pandémie, l’OMS avait parlé du vaccin comme d’un bien commun pour l’humanité. La logique sanitaire aurait voulu qu’on vaccine les populations vulnérables partout dans le monde, mais la distribution des vaccins a été influencée par un « nationalisme vaccinal » qui a pris des allures de guerre d’influences.

Cette guerre d’influence, par vaccins interposés, est devenue un enjeu de puissance. Le sort des millions de victimes de la COVID-19 ne pèse pas lourd devant la volonté de contenir l’influence de la Russie (qui a nommé son vaccin Spoutnik V) et de la Chine, notamment en Afrique et dans d’autres pays pauvres.

Aujourd’hui, le problème qui se pose est d’ordre éthique. On traite la santé comme une « marchandise » et la vie des gens comme une « variable d’ajustement ». Les vaccins sont devenus des biens privés alors qu’à la base, ils devraient être des biens communs. Les Big Pharma ont fait des bénéfices démesurés, en contexte de crise. C’est immoral ! Pfizer a réalisé un chiffre d’affaires de 18,9 milliards de dollars seulement en un trimestre…

La solution est simple : il suffit de donner les recettes des vaccins à d’autres laboratoires de partout dans le monde pour qu’ils puissent produire le vaccin et qu’on en finisse avec cette pandémie.

Autrement, les pays riches pourront vacciner leurs populations autant de fois qu’ils le voudront, et même envisager une 3e, une 4e et même une 10dose, mais si l’autre partie de la planète n’est pas vaccinée, cette maudite COVID-19 trouvera toujours le moyen de muter, de telle sorte que les nouveaux variants deviennent encore plus résistants aux vaccins… et on se retrouvera tous à la case départ de notre confinement !

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