Depuis le début de la pandémie, de nombreux restaurants ont fermé leurs portes. Est-ce vraiment si grave pour le consommateur ?

Une question qui revient souvent : avions-nous trop de restaurants avant la pandémie ? Plusieurs se demandent si la pandémie n’a fait qu’éliminer les restaurants que nous avions « en trop ».

Avec la pénurie de main-d’œuvre, le coût des ingrédients alimentaires qui explose et la liste de réglementation qui s’allonge pratiquement chaque année, rentabiliser un restaurant est devenu une tâche difficile. Certes, la pandémie a offert une occasion en or à l’industrie pour réfléchir sur son avenir.

Avant la pandémie, la restauration vivait des années de gloire. Comparativement à 20 ou 30 ans auparavant, sortir au restaurant constituait une routine pour plusieurs d’entre nous. Les Canadiens dépensaient en moyenne environ 35 % de leur budget alimentaire en restauration et le secteur était sur le point de dépasser les 100 milliards de dollars de ventes par année. Mais en mars 2020, tout a basculé.

Selon Statistique Canada, on comptait environ 65 000 restaurants au début de l’année 2020. Ce nombre tourne probablement autour de 40 000 à 45 000 aujourd’hui.

Personne n’en est tout à fait certain, mais cette approximation semble assez juste.

Même si le secteur enregistre moins de 30 faillites au total depuis le début de la pandémie, plusieurs ont tout simplement délaissé la restauration. Malgré les difficultés créées par la pandémie, le secteur tourne à environ 82 % de la capacité qu’il avait avant la pandémie, toujours selon les chiffres de Statistique Canada. Les ménages ne dépensent plus les 35 % de leur budget alimentaire comme avant la pandémie. Maintenant, ce pourcentage se situe plutôt autour de 28 %. En avril 2020, au cœur de la première vague, ce pourcentage atteignait à peine 9 %. Voilà qu’en août plusieurs restaurants ont connu un mois historique en réalisant des ventes qui fracassent tous les records.

Hausse des prix

Cependant, la restauration n’est toujours pas sortie du bois. Gérer un restaurant après la pandémie ne sera pas de tout repos. Selon un récent rapport de Restaurants Canada, le plus important porte-parole des services alimentaires au pays, près de la moitié des exploitants de services alimentaires prévoient d’augmenter de 4 % ou plus les prix sur leur menu au cours de la prochaine année. D’autre part, un restaurateur sur cinq prévoit que cette augmentation tournera autour de 6 %. Plusieurs l’ont déjà fait. Le coût des aliments devient un véritable problème pour les consommateurs, mais aussi pour les restaurateurs.

Le manque de main-d’œuvre qui existait déjà avant la pandémie n’a fait qu’empirer depuis. Au cours de la prochaine année, ce même rapport prévoit que 42 % des restaurants connaîtront une augmentation du nombre de postes vacants au sein de leur entreprise, et plus de 53 % planifient bonifier le salaire de leurs employés dans les prochains mois. Une bonne chose pour les travailleurs et travailleuses de la restauration, qui le méritent bien.

Mais quelqu’un devra payer pour tout cela. Et surtout, avec des prix plus élevés sur le menu, demeurer concurrentiel sera de plus en plus difficile.

Ces éléments macroéconomiques en poussent plusieurs à croire que la probabilité sera faible de retrouver une industrie de 65 000 restaurants au Canada. Du moins, pas d’ici deux ans au minimum. Pour les ménages, avec les prix qui augmenteront, les visites au restaurant seront assurément moins fréquentes. La portion de 35 % du budget alimentaire des familles allouée aux repas pris à l’extérieur d’avant la pandémie ne reviendra pas de sitôt non plus.

Bref, nous aurons moins de restaurants pour plusieurs années. La restauration représentait toujours une porte d’entrée idéale pour nos entrepreneurs qui voulaient se bâtir une vie. Les immigrants, quant à eux, considéraient la restauration comme une sorte de portail alimentaire afin d’offrir aux consommateurs d’ici des nouveaux mets et de nouvelles saveurs. Une époustouflante innovation caractérisait ce secteur de l’alimentation. Il y aura toujours de l’innovation dans ce domaine, mais elle passera assurément par une utilisation accrue des technologies en cuisine et en salle à manger, par une plus grande affinité pour la livraison et aussi par une chaîne d’approvisionnement plus efficace, comme les cuisines fantômes ou autres.

Certains des quelque 20 000 restaurants qui ont disparu durant la pandémie étaient excellents, laissant derrière eux un héritage incroyable à leur clientèle. Il est désolant de voir plusieurs de ces restaurateurs indépendants et familiaux forcés d’abandonner le navire.

Mais en vérité, la pandémie a aussi agi comme un purgatoire en éliminant plusieurs restaurants qui somme toute n’avaient pas du tout la cote et abaissaient le niveau de qualité du secteur.

Certains se dirigeaient déjà vers une fermeture et auraient cessé leurs activités, même sans une pandémie et des restrictions sanitaires.

La majorité des grandes chaînes qui jouissent d’un soutien financier et stratégique supérieur ressortent de la pandémie indemnes, ou presque. Selon certaines estimations, pendant que les grandes chaînes fermaient environ 10 % des restaurants dans le réseau, le Canada perdait presque 50 % de ses restaurants indépendants. D’un établissement à l’autre, les grandes chaînes nous proposent des restaurants qui se ressemblent et servent à peu près la même nourriture provenant des mêmes fournisseurs avec seulement quelques différences très subtiles.

La question qui mérite une attention particulière n’est pas le nombre de restaurants qu’il nous faut pour soutenir notre économie, mais plutôt le genre de restaurants qu’il nous faut. Nous avons peut-être trop de restaurants qui offrent les mêmes plats. Notre identité culinaire se perdra tranquillement sans tous ces chefs propriétaires qui ne seront plus là pour nous faire déguster des plats créatifs et savoureux inspirés des produits du marché et du terroir.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion