Dans les derniers jours, la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, évoquait le plus sérieusement du monde l’idée de laisser les élèves du cégep utiliser Antidote – le fameux logiciel de correction – à l’école. Mais pour quels travaux voulait-elle leur donner une telle grâce ? Pour des devoirs, de simples exercices ? Non : pour l’épreuve uniforme de français, passage ultime pour terminer ses études collégiales.

Il était déjà connu depuis longtemps que cet examen, comme à peu près tous les autres qui jalonnent le parcours d’un jeune Québécois, est une farce monumentale où les passe-droits font loi. En gardant la façade, on avait au moins l’impression que la Révolution tranquille avait donné quelques fruits dans le domaine de l’instruction, fussent-ils des illusions.

Le laxisme à mots couverts qui règne en maître dans l’école québécoise trouve dans le propos de la ministre le désir de s’institutionnaliser ouvertement.

Il faut dire que l’époque exige la transparence, même dans la médiocrité. De toute façon, la permissivité ne scandalise plus beaucoup de personnes dans une société qui n’aspire qu’à la diplomation de travailleurs, et non à l’édification d’hommes et de femmes cultivés et réfléchis.

À la suite de la réaction médiatique à son idée, Mme McCann a reculé. Personne ne criera victoire pour autant. Car ce que ce genre de proposition témoigne, c’est d’un symptôme d’un mal beaucoup plus grave qui atteint l’esprit de l’éducation au Québec. Sur ce coin de la Terre, c’est le réflexe démissionnaire qui régit l’école du primaire à l’université, rien de moins. Pour que de jeunes adultes au cégep et à l’université soient à peine capables d’écrire une phrase simple sans faute, il faut tout un parcours bancal qui ne réussit en rien à transmettre quoi que ce soit aux élèves de différents âges.

Nous sommes à des années-lumière du cours classique, où l’éloquence et l’écriture étaient sacralisées.

Il n’y a aucune raison de défendre le « modèle québécois » à l’heure actuelle. L’école contemporaine ne fait lire presque aucun classique, ni poésie, ni livre d’histoire et de philosophie, ni essais, ni encyclopédies. L’élève québécois se retrouve plutôt au sein d’un désert intellectuel où les oasis sont trop peu nombreuses. S’il fait partie des rares à aspirer au savoir et à l’élévation, il sera isolé par le pédagogisme infantilisant et le nivellement par le bas. Toute son existence deviendra alors une sourde révolte qui ne pourra pas se canaliser au sein de l’institution scolaire.

Aussi sombre soit le portrait de notre réalité, l’espoir demeure. Les solutions existent et ne demandent qu’à être mises de l’avant. Nous devons impérativement réapprendre à nos jeunes à lire et écrire par des méthodes rigoureuses. Les lectures doivent être difficiles, ardues : non pas par masochisme, mais parce que nous prenons l’élève au sérieux. Des poèmes nationaux et universels doivent être appris par cœur pour faire saisir le génie et la beauté de la langue.

L’histoire doit être dûment transmise afin de faire comprendre le caractère à la fois fragile et précieux de l’existence du français en terre d’Amérique.

Des exercices nombreux sur les erreurs courantes de la langue française devraient être légion. Au sein d’une nation normale, ces mesures seraient appliquées depuis fort longtemps. Mais le Québec ne forme encore qu’une demi-nation qui n’a pas parachevé sa condition politique. Être nationaliste, cela signifie aussi de s’assurer que le peuple bénéficie d’une instruction de qualité qui garantit la promesse de l’émancipation. À l’heure actuelle, nous sommes loin du compte.

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