« La jeunesse représente souvent la variable d’ajustement en période de crise », lit-on dans un récent ouvrage intitulé Une jeunesse sacrifiée1 ? La fermeture des établissements pour limiter la propagation du coronavirus a en effet provoqué un véritable bouleversement dans le monde de l’éducation et a révélé le rôle central de l’école dans nos sociétés. Cette crise a incontestablement avivé des problèmes déjà présents en éducation que l’on commence juste à pouvoir mesurer.

Dans le journal La Presse du 13 septembre, une interrogation similaire était soulevée dans le texte « Une catastrophe générationnelle à l’horizon2 ? ». On pouvait y lire qu’une perte d’intérêt pour l’apprentissage, une baisse des résultats et même une augmentation de la masse corporelle avaient déjà été observées.

Plusieurs des contraintes imposées dans les milieux éducatifs sont venues amplifier les difficultés déjà présentes avant la crise. Alors qu’en temps normal les liens sociaux existant dans les établissements atténuent certaines disparités, la crise sanitaire a mis à mal cette fonction sociale de l’école et a contribué à précariser la situation de nombreuses personnes.

Les répercussions de la pandémie, notamment les retards des uns et l’abandon des autres, mettront du temps à se résorber.

Mieux comprendre comment la pandémie a affecté les élèves en tenant compte de leurs conditions socioéconomiques sera essentiel afin de mieux définir les actions à entreprendre pour résorber ces effets.

L’enjeu de la réussite, déjà au cœur de nombreux débats en éducation, devra retenir toute notre attention. Par exemple, quel sera l’effet sur les garçons dont presque la moitié n’accédaient déjà pas au niveau collégial ? Lors de la rentrée 2021, la Fédération des cégeps s’est d’ailleurs inquiétée publiquement de l’augmentation beaucoup moins élevée que prévu des nouvelles inscriptions (0,3 % au lieu de 3 %).

Inégalités

Alors que certains jeunes ont pu profiter d’une situation favorable (soutien parental, espace de travail, etc.), d’autres ont dû composer avec d’importantes contraintes qui ont nui à leur persévérance, à leur motivation et à leur capacité de réussite.

Les effets sur la santé mentale ont également été soulevés à de multiples reprises. Le gouvernement a d’ailleurs lancé des plans d’action sur la réussite et la santé mentale à la fois au primaire-secondaire et à l’enseignement supérieur. Il faut toutefois se demander si les mesures seront suffisantes pour contrer ces effets de l’éducation en temps de crise ou si les changements à opérer doivent être structurels pour affronter la crise en l’éducation. Cette dernière a notamment été identifiée dans le rapport du Conseil supérieur de l’éducation intitulé Remettre le cap sur l’équité qui démontrait les inégalités provoquées particulièrement par le système scolaire à trois vitesses (privé, public régulier et public à projets particuliers).

Une des leçons de la pandémie est sans doute la fragilité des liens sociaux. Les tensions provoquées par le mouvement complotiste en sont une illustration. Il symbolise une perte de confiance d’une partie de la population envers les institutions. Et si les recherches à venir qui porteront sur la composition sociale de ces mouvements nous révélaient des corrélations entre la crise en éducation et la participation à ces manifestations, en serions-nous surpris ? Si la crise exacerbe ces tensions, espérons que nous saurons en tenir compte dans nos réflexions sur l’avenir de l’éducation.

*Ce texte est adapté de l’article publié par les auteurs dans L’Action nationale

1 Consultez l’ouvrage Une jeunesse sacrifiée ? 2 Lisez « Une catastrophe générationnelle à l’horizon ? » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion