Il y a maintenant un an aujourd’hui, nous arrivions dans les CHSLD en renfort.

Qu’est-ce que la relève des préposés aux bénéficiaires (PAB) en CHSLD ? C’est l’idée qu’on pouvait relever nos collègues épuisées par la première vague de la pandémie et venir soigner nos aînés dans la dignité. On a rêvé à cela jusqu’à la fin de notre formation accélérée. Arrivé sur le terrain, la réalité choque, surprend et décourage. L’imbroglio salarial n’aidant pas, les nouvelles gagnant supposément un salaire plus élevé que les anciennes, l’accueil par ces dernières ne fut pas des plus chaleureux au début. Déterminés, nous avons su faire notre place et gagner leur respect. Voir des humains dépravés de leur énergie vitale par la maladie et la vieillesse peut déstabiliser le plus solide des gaillards. Cela n’a pas empêché les PAB à Legault, comme on nous surnommait parfois – et pas toujours de manière affectueuse –, de se retrousser les manches et de foncer pour atteindre l’objectif.

Notre apport au réseau de la santé fut immense. Des gens dévoués et investis d’un idéal ont sacrifié beaucoup pour répondre à l’appel à l’aide du premier ministre. Tout cela dans un contexte où, faut-il se le rappeler, la peur d’attraper la COVID-19 était encore vive au sein de la population. Les CHSLD venaient d’être ravagés et le coronavirus y circulait encore.

Est-ce que le réseau de la santé reconnaît notre contribution ? Je ne peux malheureusement que le présumer, car je ne l’ai pas encore ressenti.

Je sais par contre que sans notre engagement, les vagues de la pandémie auraient submergé les CHSLD. À maintes reprises sur les planchers, nous étions en majorité ou il n’y avait tout simplement que nous, les « nouvelles PAB » ! Même que, dans les zones chaudes, s’il n’y avait plus de volontaires, c’était les moins anciennes, complètement inexpérimentées, qui devaient se lancer vers l’inconnu. Le syndicat amène son lot de drôles de coutumes. Une autre découverte pour nous.

C’est qui, la relève des PAB en CHSLD ?

Ce sont des gens de tous âges, de toutes provenances, avec des bagages d’expérience et d’éducation évidemment très variés. Parmi cette cohorte non orthodoxe, une valeur commune nous rassemble tous immanquablement : la volonté d’aider son prochain. Comme celles que nous sommes venues soutenir, il faut posséder une grandeur d’âme hors du commun pour faire ce métier où l’on soigne au quotidien ces aînés en fin de vie. Peu importe les raisons qui nous ont menés là, c’est le cœur dans la main que nous sommes entrés dans un CHSLD. Pour la grande majorité, ce fut une expérience des plus enrichissantes et plusieurs y ont même trouvé là une vocation. Toutefois, il y a malheureusement eu trop de nouvelles PAB qui n’ont pas pu terminer leur formation. Autre triste constat, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre où tout devrait être fait pour conserver nos employés, trop de gens bien intentionnés ont vécu toutes sortes de situations dans leur milieu de travail qui ont mené à leur abandon ou leur renvoi. Certaines se sont battues ou se battent encore aujourd’hui comme David contre Goliath pour faire valoir leurs droits. Espérons que le système saura reconnaître les injustices qu’elles ont vécues et offrir réparation lorsque c’est nécessaire.

La relève des PAB en CHSLD est maintenant terminée. Nous avons intégré le réseau de la santé qui continuera à former périodiquement des nouvelles PAB pour renflouer les effectifs. On peut juste espérer qu’une telle campagne de recrutement de 10 000 nouvelles PAB en une seule cohorte ne sera plus nécessaire dans le futur. Nous sommes dorénavant libres de continuer à servir nos aînés ou bien de retourner là où nous étions avant la pandémie. On ne doit plus rien à personne.

L’initiative fut un succès ? Oui, mais…

Combien sont toujours là, et ont-elles obtenu le poste qui leur a été offert ? En fonction du côté du programme où vous êtes, programmeur ou programmées, vous allez choisir les nombres qui soutiennent votre prétention. On n’a pas commencé la formation avec 10 000 étudiants et étudiantes. Normalement, pour atteindre un objectif, on vise plus haut. De cette première cohorte, environ 3000 ont quitté l’école avant la fin ! Pour une formation très bien rémunérée dans un contexte d’instabilité économique, c’est non seulement énorme, mais aussi intrigant… non ? Mais depuis, d’autres cohortes ont suivi pour tenter d’atteindre l’objectif, et on y travaille encore. À ce jour, on n’a pas encore atteint ce fameux nombre de 10 000 nouvelles PAB en CHSLD. Il y a plusieurs angles pour évaluer la réussite de ce programme.

Je ne dis pas que c’est un échec, car visiblement notre relève fut un succès. Indéniablement, on a passé au travers de la tempête en partie grâce à nous, mais à quel prix ?

En fin de compte, je laisserai à d’autres le soin de commenter les statistiques. Mon succès, je le vois différemment. Il est dans les yeux du résidant satisfait d’avoir pu passer quelques minutes avec de la compagnie. C’est là que je retrouve l’énergie qui me motive à continuer. Je voulais les quitter et retourner à mon mode de vie peinard de retraité, mais je ne suis pas encore capable de les abandonner.

La nuit où j’ai décidé de rester

Après une longue nuit à m’occuper de nos parents, accablé par l’inconfort du manque de sommeil, mon futur en CHSLD était encore incertain dans ma tête. C’est avec le soleil se pointant à l’horizon que j’ai pu être aux côtés de cette dame de 100 ans à son réveil. Cette femme, solide comme le roc, capable de se déplacer presque toute seule, avec toute sa tête et ses esprits, m’inspirait à chacune de mes rencontres avec elle. À l’ouverture de ses yeux, j’ai eu le privilège d’être la première personne sur cette planète à lui souhaiter joyeux anniversaire. Je me suis dit que cet honneur d’être son serviteur ne pouvait être qu’éphémère, et que je devais poursuivre mon engagement auprès des aînés au-delà du 15 septembre. Ils ont tellement besoin de moi – de nous tous, en fait.

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