La meute de trolls à la poursuite de Justin Trudeau lors de cette campagne électorale ne devrait guère nous surprendre. Le mème souhaitant « la mort à Trudeau » est omniprésent sur Facebook depuis de nombreuses années et ces soi-disant « manifestants » sont loin d’être les premiers à introduire les pires éléments de Facebook à l’arène politique.

Vous vous souvenez du type qui a rempli son camion d’armes à feu pour ensuite défoncer les barrières de Rideau Hall à la recherche du « traître » Trudeau ? Vous vous souvenez du convoi de pétrofanatiques qui se sont rassemblés à Ottawa pour proclamer leur amour du pétrole et du gaz ? Leurs camions portaient des affiches sur lesquelles il était marqué : « Pétrole dans les tuyaux, Trudeau dans le sol. » Les mots « traîtres » et « trahison » étaient partout et la punition suggérée n’était nulle autre que la mort.

Beaucoup se grattent la tête pour comprendre ce phénomène. Pourtant, la réponse est simple : les analyses ignorent les effets profondément nocifs des plateformes comme Facebook. Pour ce genre d’entreprises, la promotion de la colère n’est pas accidentelle. C’est le cœur même de son modèle d’affaires.

Une étude réalisée par le Pew Research Center en 2017 a révélé que les publications exprimant un « désaccord indigné » avaient recueilli 50 % de mentions « J’aime » de plus et trois fois plus de commentaires que celles qui exprimaient un message plus positif et avaient été deux fois plus relayées.

Chaque mention « J’aime », chaque partage et chaque commentaire ramènent de l’argent à Facebook. Le résultat : l’entreprise cherche à promouvoir le contenu qui nous enrage le plus.

Kevin Chan, porte-parole de Facebook au Canada, a fait les manchettes dernièrement lorsqu’il a affirmé que la plateforme réduirait la prévalence du contenu politique dans nos fils d’actualité. Cette déclaration laissait entendre que Facebook travaillait activement à l’encontre de son propre intérêt financier, et ce, dans le seul but de soutenir notre démocratie. Cependant, de multiples lanceurs d’alerte provenant de Facebook nous racontent une tout autre histoire. Lorsque les ingénieurs de l’entreprise ont trouvé un moyen de réduire les publications dites « mauvaises pour le monde », M. Chan et son équipe s’y sont opposés.

C’était M. Chan qui s’était vanté au mois de mars, devant des élus à Ottawa, des efforts de Facebook contre la désinformation sur la COVID-19. Nous avons appris par la suite que la publication la plus populaire sur Facebook était, vous l’aurez deviné, de la désinformation sur la COVID-19.

En cette ère numérique, la gestion de l’information est primordiale. En tant que société, nous devrions nous demander si la principale devise de notre époque devrait être gouvernée par une entreprise étrangère comme Facebook, qui agit de manière déplorable depuis tant d’années. Je propose que la réponse soit un « non » retentissant, et je suggère que les partis politiques fédéraux se joignent à moi pour se dresser contre Facebook.

C’est justement ce que veulent les électeurs.

Les sondages de Nanos effectués pour les Amis de la radiodiffusion montrent que 83 % des électeurs sont fortement d’accord (58 %) ou plutôt d’accord (25 %) avec l’idée de tenir les plateformes et leurs dirigeants légalement responsables de l’amplification de contenu haineux en ligne. Les conservateurs, eux, se sont vigoureusement opposés à la réglementation des réseaux sociaux. Pourtant, plus des deux tiers des électeurs conservateurs soutiennent cette proposition.

Malgré le discours continu selon lequel Facebook serait une « place publique », supposément essentielle au fonctionnement de notre démocratie, à peine 4 % des gens estiment que les réseaux sociaux renforcent la démocratie.

Une fois de plus, il serait sage pour les conservateurs de revoir leur dicton selon lequel toute réglementation des entreprises de réseaux sociaux serait une attaque contre la liberté d’expression et la démocratie. Plus des deux tiers des électeurs conservateurs trouvent que les réseaux sociaux rendent notre démocratie plus faible (44 %) ou un peu plus faible (24 %).

Si nous voulons éliminer les trolls de notre politique, nous devons sévir contre les entreprises comme Facebook, qui gagnent leur fortune en attisant notre colère collective. Les électeurs appuient massivement des mesures sévères contre l’irresponsabilité déchaînée de cette entreprise. Il est temps qu’Ottawa prenne la relève.

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