Les grèves en transformation alimentaire qui se multiplient nous apprennent que l’humain a atteint ses limites dans le secteur. Colmater les risques émergents sans compromettre l’abordabilité alimentaire des consommateurs devient de plus en plus difficile. Si le virage numérique et automatisé ne s’accélère pas, nous subirons d’autres grèves dans ce secteur.

Les conflits de travail en transformation alimentaire continuent de faire les manchettes. D’un côté, les employés, les syndicats et le grand public déplorent les conditions de travail et les salaires modestes. De l’autre, la direction des entreprises souligne que les faibles marges bénéficiaires ne permettent pas d’accorder davantage. Une rengaine qu’on connaît bien ! En vérité, le modèle d’affaires évolue et la pandémie a mis en évidence la lenteur à apporter des changements.

Chaque conflit comporte ses petites particularités. Quoi qu’il en soit, le secteur de la transformation se voit continuellement ébranlé par des grèves, simplement parce que les employés n’en peuvent plus. En ce moment, aux États-Unis, cinq usines de Nabisco se trouvent touchées par une grève depuis le 10 août dernier. On entend même des célébrités comme Danny DeVito demander aux consommateurs de boycotter les produits Nabisco, en guise de solidarité pour les travailleurs et travailleuses. Difficile de se souvenir de la dernière fois où une célébrité a défendu les droits des travailleurs en transformation alimentaire ! Plusieurs réalisent à quel point le travail en usine n’est vraiment pas facile.

Au Québec, les conflits très publicisés d’Exceldor et d’Olymel cette année nous ont appris que le capital humain – le rôle des employés en usine – doit changer. Plus tôt cet été, les producteurs avicoles qui fournissent l’usine d’Exceldor ont dû euthanasier près de 2 millions de poules en raison du conflit qui avait duré cinq semaines. Dans le cas d’Olymel, le conflit s’est échelonné sur plus de quatre mois. Heureusement, on ne compte aucun porc euthanasié jusqu’à maintenant, principalement parce que les producteurs écoperaient financièrement. Contrairement au secteur avicole où de généreuses compensations sont offertes aux producteurs en cas de pertes, les producteurs porcins font tout pour ne pas euthanasier un seul porc. Une résilience assez impressionnante.

Il faut rappeler que les producteurs de poulets au Québec jouissent de la gestion de l’offre ; notre système contingenté de quotas. Peu importe ce qui arrive, ils ne perdront jamais d’argent. Pas un sou. La Fédération des producteurs de volailles du Québec ne l’avouera jamais, mais c’est bel et bien le cas.

La grève aurait pu s’étirer sur un an et l’incidence financière pour les producteurs n’aurait pas changé. Mais Exceldor appartient aussi aux producteurs de volailles, alors ils avaient intérêt à régler cette grève rapidement.

Toutefois, pour le porc, c’est différent. Durant le conflit, les producteurs ont dû expédier des porcs aux États-Unis et en Alberta pour l’abattage. Le conflit chez Olymel a été tellement long que plusieurs éleveurs de porcs n’ont tout simplement pu faire autrement. Au-delà de 150 000 porcs risquent d’être abattus, malgré la fin du conflit annoncé cette semaine. Évidemment, le prix courant élevé du porc ces temps-ci motive les producteurs à garder leurs bêtes plus longtemps.

La transformation alimentaire se retrouve vraiment à la croisée des chemins. La pandémie a permis à l’ensemble de la chaîne alimentaire d’être plus exposée et mieux entendue. Avant cette crise, les consommateurs exigeaient davantage de transparence. Depuis mars 2020, tandis que la notion de sécurité alimentaire prenait un tout autre sens, les consommateurs veulent mieux comprendre le fonctionnement même de la chaîne. Salaires, conditions de travail, risques environnementaux, gaspillage alimentaire en amont, tout y passe. La chaîne alimentaire et surtout la transformation alimentaire n’ont plus de secrets, ou du moins, elles en ont moins.

Pendant que les travailleurs en transformation alimentaire ont la cote, les conditions de travail font en sorte que le recrutement demeure difficile, surtout dans le secteur animalier. Environnement frigorifique, travail manuel répétitif, images violentes d’abattage d’animaux, emplois en région éloignée… rien pour attirer des Canadiens qui, souvent, fuient ce genre de travail. Ce sont des « jobs de cochon ».

Ce n’est pas pour rien qu’on dénombre plusieurs travailleurs étrangers dans ce secteur.

En effet, l’humain a probablement atteint ses limites en transformation alimentaire, surtout dans le domaine de la viande où les conditions et les risques sont particuliers. Colmater les risques émergents comme les virus, bactéries et autres sans compromettre l’abordabilité alimentaire des consommateurs devient de plus en plus ardu. Les travailleurs chez Exceldor et Olymel méritent ce qu’ils demandent en salaire sans aucun doute. Mais la réalité financière de la filière fait en sorte que la marge de manœuvre des employeurs s’amincit, surtout dans un contexte où l’abordabilité alimentaire devient un enjeu pour tous.

Les nouvelles solutions passent par l’automatisation tout en réassignant les employés à des tâches plus complexes et moins répétitives. Plusieurs usines de Montréal – et d’ailleurs – ont emboîté le pas depuis le début de la pandémie. Pour une meilleure automatisation des processus en usine, le Québec a accès à une expertise abondante en automatisation de la transformation alimentaire. Premier Tech World à Rivière-du-Loup nous le démontre bien.

Il faut s’attendre à un virage numérique et automatisé important dans le secteur, et ce, de façon accélérée durant les prochaines années. Évidemment, Exceldor, Olymel et d’autres acteurs importants devront suivre la cadence.

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