Le gouvernement a actuellement des réflexions qui auront des impacts majeurs sur le réseau de l’enseignement supérieur : la question du passeport vaccinal sur les campus.

Bien que le gouvernement soit probablement fort bien au fait des questions de santé publique liées à cette mesure, force est de constater que les consultations des réseaux collégial et universitaire ont été grandement sous-estimées ; seuls les établissements, par leurs représentants, et une partie du personnel, par leur centrale syndicale, ont pu se prononcer sur la question.

Dans une commission parlementaire traitant des « travailleurs », il est curieux de constater que la population étudiante a été le sujet principal de discussion des parlementaires et des intervenants de l’enseignement supérieur. Le tout, sans avoir invité aucun groupe représentant les étudiants. Double standard, peut-être ?

Le fait est que le gouvernement ne peut pas prendre une décision qui fait le tour des deux côtés de la médaille sans consulter le cœur même de l’enseignement supérieur québécois : la population étudiante.

Ça fait un an et demi que la population étudiante jongle avec une foule de défis de nature pédagogique. Ce qu’il faut comprendre, c’est le fardeau additionnel qu’apporterait le passeport vaccinal sur les campus. Imaginons le scénario où la vaccination obligatoire touche l’ensemble des personnes fréquentant le campus. Tout d’abord, on ne peut brimer l’accès à l’enseignement d’une partie de la population étudiante ; il faut se rappeler que la session est déjà commencée. Il faut alors trouver un moyen de poursuivre l’enseignement de tous.

Le moyen concret de garantir la poursuite des études des non-vaccinés est alors la formation à distance. La solution : l’enseignement « comodal », où une partie du groupe est en classe et l’autre est à distance. C’est un mode d’enseignement qui répond à certains enjeux sanitaires, mais la question se pose à savoir si les enjeux pédagogiques en valent la chandelle.

En « comodal », il faut que toute personne, sur place ou à distance, soit en mesure de participer et d’interagir activement en classe. On parle alors de classes, partout au Québec, équipées de micro, de haut-parleurs, de caméras et d’ordinateurs puissants, puisque l’étudiant à distance doit être en mesure, au même titre que l’étudiant en classe, d’entendre les interventions de ses camarades et de l’enseignant. Précision additionnelle : il faut que l’ensemble des classes d’un établissement puissent tenir une visioconférence de façon simultanée. Imaginez alors la connexion internet nécessaire pour cela.

L’enjeu naît alors du fait que les fonds ne sont pas disponibles afin que chaque établissement se dote de ce matériel, et que le temps nécessaire à l’implantation du « comodal » serait probablement plus long que la quatrième vague elle-même.

On doit aussi se rappeler que la session est déjà commencée et que les modalités d’enseignement – les méthodes pédagogiques – et les modalités d’évaluation sont déjà bien établies. Se lancer dans une formule d’enseignement jamais largement utilisée au Québec viendrait fragiliser l’efficacité de ces méthodes par une nécessité d’adaptation et de réflexion sur ce qui est meilleur pour la population étudiante.

Finalement, quoi faire des étudiants internationaux là-dedans ? La question des vaccins non reconnus et l’accessibilité à la vaccination, qui est tout sauf équitable dans le monde, soulèvent également des enjeux pour l’étudiant qui arrive au pays, habite sur un campus et n’est pas vacciné, malgré sa volonté de l’être.

Le passeport vaccinal pourrait répondre à des questions très importantes concernant la situation épidémiologique et la santé publique. Toutefois, une question demeure : est-ce que l’implantation d’un tel passeport serait accompagnée de mesures permettant d’atténuer les enjeux pédagogiques qui naissent d’une telle décision ?

L’implantation d’un passeport vaccinal sans mesures additionnelles afin de garantir la réussite verrait naître, au final, un fiasco pédagogique majeur.

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