L’objectif du gouvernement actuel d’éliminer les heures supplémentaires obligatoires est une mesure attendue par les infirmières et infirmiers du Québec depuis de longues années. À ma connaissance, la position de Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux, est une première affirmation politique concrète afin de régulariser une situation qui a trop duré.

En 1987, à l’époque où je terminais une maîtrise en administration de la santé, le syndicat de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec réclamait déjà la conversion d’heures travaillées par la liste de rappel et les agences en postes réguliers. Dans le cadre de mes études, je me suis intéressée à cette situation. Le rapport d’analyse portait sur le nombre d’heures minimum en soins infirmiers, à l’hôpital Saint-Luc, qui pouvait être converti en postes sans occasionner de surplus de personnel. Ainsi en 1986-1987, il ressortait que 40 % des heures travaillées par le personnel infirmier était attribuable à du personnel non régulier aux équipes de base sur les unités de soins (liste de rappel, équipes volantes et agences privées), c’est-à-dire du personnel qui ne détient pas de poste sur une unité.

Au cours des années qui ont suivi, avec la forte demande en soins et services hospitaliers et un manque d’attractivité de la profession, le problème n’a cessé de croître. La part du privé s’est grandement accentuée et les heures supplémentaires obligatoires, loin d’être une exception, sont devenues un mode de gestion.

Les répercussions des heures supplémentaires obligatoires sont nombreuses : épuisement, distractions et risques d’erreurs qui pourraient menacer la santé des patients, désertion du personnel, coûts faramineux pour le réseau de la santé et pour nous tous contribuables.

Et l’utilisation d’un personnel non régulier sur les unités risque d’entraîner une coupure dans la continuité des soins. Comment s’assurer d’être près d’un patient et de ses besoins quand sur un même quart de travail le personnel varie d’un jour à l’autre, d’un quart à l’autre ? Nous sommes plus près du travail industriel que de l’humanisation des soins.

Les infirmières et infirmiers du Québec ont tout mon respect et mon admiration pour leur travail et leur résilience. La pandémie a fait ressortir l’importance de prendre soin de nos soignants et j’espère que des mesures concrètes verront le jour, conséquence d’une malheureuse tempête que nous n’avions pas vue venir mais qui apportera sans aucun doute son lot de changements favorables.

Un système de santé sain passera par un cadre de gestion plus dynamique et des équipes formées d’un personnel soignant stable et permanent. Encore faut-il rendre la profession attractive et s’assurer de former un nombre suffisant d’infirmières et infirmiers pour combler les trop nombreux besoins.

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