L’auteure s’adresse au ministre de la Santé, Christian Dubé

Au lendemain des élections d’octobre 2018, j’écrivais dans La Presse une lettre au futur ministre de la Santé lui demandant ce qu’il allait faire pour redresser la situation dans le réseau et améliorer mes conditions de travail comme infirmière.

Presque trois ans et une pandémie plus tard, je crois que l’heure est venue pour moi de fournir des pistes de solution dans un style plus directif que Monsieur le Ministre saura me pardonner.

Il y a des dizaines de niveaux hiérarchiques entre vous et moi, M. Dubé. Vous avez accès à des opinions d’experts et d’innombrables comités. Je vais quand même mettre toute humilité de côté et vous dire quoi faire. J’ai plusieurs solutions à proposer, mais la première est d’une importance telle que j’ai décidé de ne nommer que celle-là aujourd’hui.

Votre première priorité doit être d’abolir, d’interdire, d’anéantir, de pulvériser le temps supplémentaire obligatoire (TSO). Dès aujourd’hui, écrivez au PDG des CISSS et des CIUSSS que chaque quart de travail obligatoire imposé dans leur organisation aura pour conséquence une coupure directe de leur budget. Cela aura probablement l’heur de rendre les gestionnaires sur le terrain très créatifs pour les éviter.

Assortissez cette mesure d’un levier qui a très bien fonctionné par le passé : attribuez à chaque quart de travail fait de façon volontaire une prime de 100 $. Au besoin, vous pouvez même couper quelques primes aux médecins pour les financer : s’ils savent que cela va leur permettre de voir plus d’infirmières dans les milieux de soins, ils risquent de vous remercier plutôt que de se plaindre ! La situation est intenable pour eux aussi.

En ce moment, les démissions d’infirmières se comptent par centaines et la goutte qui fait déborder le vase est presque toujours un temps supplémentaire obligatoire.

C’est vraiment le temps d’appliquer un garrot sur cette hémorragie massive, pour reprendre l’image que j’ai utilisée dans ma réplique au professeur Bernatchez sur le même sujet dans La Presse en avril 2019.

Changements de carrière

Les droits de base des infirmières sont bafoués à plusieurs égards depuis plusieurs années et j’ai demandé autour de moi si le parallèle que je fais avec les servantes écarlates de la dystopie de Margaret Atwood n’était pas un peu fort.

La réponse de mes collègues ? Elles se sentent exactement comme cela lorsqu’on leur impose un TSO : ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle pour la population québécoise qui compte recevoir des soins de santé.

Par contre, c’est une excellente nouvelle pour l’horticulture au Québec. En effet, je compte un nombre incroyable de professionnelles de la santé autour de moi qui caressent l’idée de se réorienter dans une grande variété de métiers, et c’est souvent l’horticulture qui est nommée pour une raison que je ne m’explique pas.

Réalisez-vous le coût pour notre société de chacune de ces réorientations de carrière ? Je ne sais vraiment pas s’il restera assez d’infirmières pour soigner la population dans les prochaines années, mais je sais qu’il y aura de très belles fleurs (écarlates ?) au Québec.

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