Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié le 9 août, met la table des grands défis qui attendent le Canada sur le plan énergétique et climatique.

Un climat plus chaud d’ici les 30 prochaines années est une certitude, dit le rapport. Les températures ont augmenté plus rapidement depuis 1970 que dans aucune autre période équivalente depuis 2000 ans. La bonne nouvelle : en agissant maintenant, il est possible d’éviter les conséquences les plus éprouvantes de ce dérèglement causant davantage d’évènements climatiques extrêmes.

Comme l’utilisation des énergies fossiles est ce qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre (GES), c’est cette activité qui doit subir les transformations les plus profondes pour engager la planète vers une économie sans émissions.

Des atouts pour engager la transition

Sur le plan énergétique, le Canada dispose de grands atouts. C’est un vaste pays avec d’abondantes ressources, d’abord en eau, mais aussi en vent, en biomasse. Plus de 60 % de l’énergie électrique provient de l’hydroélectricité.

Les provinces conservent de grandes occasions de vendre davantage leur électricité propre aux États-Unis, car ceux-ci se sont donné une obligation d’un réseau non émetteur de GES dès 2035, et veulent étendre l’usage de l’électricité aux transports terrestres.

Le prochain gouvernement à Ottawa devra faire valoir cet avantage stratégique auprès du partenaire américain et combattre son réflexe protectionniste.

D’autant qu’une étude de juin 2021, du National Renewable Energy Laboratory (NREL), relevant du ministère américain de l’Énergie, intitulée « The North American Renewable Integration Study : A U.S. Perspective », le reconnaît amplement : un commerce accru d’électricité entre frontières nationales, grâce à l’apport de l’hydroélectricité canadienne, permettrait une réduction significative des coûts annuels d’exploitation, notamment durant les plages élevées de consommation, tout en réduisant les émissions de GES.

Le grand défi : le pétrole et le gaz

Le plus grand défi du Canada reste sans aucun doute l’avenir de ses ressources fossiles. Pour arriver aux objectifs de l’Accord de Paris de 2015, un rapport phare de l’Agence internationale de l’énergie, publié en mai, recommande d’arrêter dès maintenant les investissements visant à augmenter l’offre en pétrole.

Vouloir se défaire d’une telle industrie, même petit à petit, est fort complexe. D’autant que le Canada est le quatrième producteur mondial de pétrole, et parmi les pays qui disposent des plus vastes réserves connues.

Le pétrole et le gaz sont pleinement intégrés dans notre économie et notre style de vie depuis plus de 150 ans.

On le sait, on aura encore besoin de pétrole pour les décennies à venir. La transition énergétique se réalise, mais graduellement, notamment grâce au coût désormais compétitif de l’éolien et du solaire et des possibilités des véhicules électriques.

Mais on est encore sans solution à court terme pour le transport lourd, maritime, et encore moins dans le transport aérien. Le pétrole est utilisé dans l’industrie pétrochimique pour la production de plastique et de fertilisants, entre autres. Et les économies émergentes sont avides d’énergies fossiles pour soutenir leur développement.

Les provinces productrices de pétrole et de gaz au Canada, l’Alberta surtout, mais aussi Terre-Neuve-et-Labrador, le savent et elles ne veulent pas laisser aller les milliards qu’elles peuvent encore engranger de l’exploitation de cette ressource.

Car les ventes qu’elles ne pourront réaliser pour se conformer à des réglementations pro-climat profiteront à d’autres, notamment à des entités non soumises à ces contraintes : on pense aux entreprises nationales de pétrole de pays comme l’Arabie saoudite, la Chine, le Nigeria, la Russie, qui ont, depuis longtemps, surpassé les grandes entreprises privées pétrolières en termes de parts de marché et de revenus.

Ces entreprises, en passant, demeurent bien silencieuses dans le débat sur les changements climatiques, et peu leur demandent des comptes à ce sujet.

C’est donc ce registre délicat et politiquement explosif dans lequel devra manœuvrer le prochain ministre fédéral des Ressources naturelles.

Comment accélérer la transition vers des sources non émettrices, mais sans trop compromettre à court terme le niveau de vie des régions productrices qui ont, par le passé, fortement contribué à enrichir les coffres du gouvernement fédéral et des provinces via la péréquation ?

Comment assurer, pour les entreprises productrices et leurs travailleurs, une transition juste et honnête ?

Enfin, il y a les pays en développement, notamment en Afrique, qui, à moins d’une aide concrète pour transiter plus rapidement, ne pourront se passer de pétrole et de gaz avant encore de bien longues années, ajoutant au passage de grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère.

Comme les changements climatiques sont un enjeu mondial, ne connaissant pas de frontières, le Canada ne peut pas tenter de faire le ménage dans sa maison sans se soucier de ce que font les autres.

Il doit aussi aider d’autres pays moins fortunés, les convaincre, avec de l’argent sonnant, d’entamer cette transition. Et favoriser le transfert des technologies que développent nos entreprises.

Le prochain ministre responsable des Ressources naturelles du Canada devra être une personne de conviction, engagée à réaliser, avec doigté, les vastes et difficiles transformations requises, ici même et ailleurs. Il y aura des obstacles, des enjeux cornéliens, mais aussi de grandes opportunités.

Les Québécois, qui ont aussi leurs objectifs à atteindre en matière de réduction de GES, ont néanmoins des cartes à jouer pour appuyer cette transition canadienne et nord-américaine : une énergie électrique propre, abondante. Nous ne pouvons être que des alliés indéfectibles de cette vaste transformation, unique, historique, remplie d’embûches, mais devenue impérative.

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