Vous avez « perdu » votre médecin de famille et vous êtes sur une longue liste d’attente pour en retrouver un autre ? Vous n’arrivez pas à voir votre médecin de famille rapidement, car il travaille des longues semaines à l’hôpital ? Votre vieux père en fin de vie est obligé de retourner aux urgences, car son médecin de famille n’a pas le temps de le visiter à domicile ? Voici la triste réalité des Québécois.

Pourtant, notre proportion de médecins de famille est supérieure à celle de l’Ontario où 95 % de la population a un médecin de famille, avec accès rapide à celui-ci. La difficulté d’accès à un médecin de famille au Québec au cabinet et à domicile surtout est une aberration coûteuse de notre « système », qui force les Québécois à consulter dans nos urgences bondées.

Notre pénurie médicale chronique en première ligne n’est pourtant pas insoluble : en plus de former plus de médecins de famille, ce qui prend au moins sept ans, nous devrions prioriser la pratique en cabinet, à domicile et en longue durée, nos champs d’expertise. En effet, depuis 15 ans, nous remplaçons de nombreux spécialistes médicaux dans leurs tâches hospitalières. Ces derniers dorment la nuit pendant que des médecins de famille s’occupent des patients hospitalisés.

Nos médecins de famille ne sont pas « paresseux », mais, au contraire, écartelés entre deux pratiques difficiles à concilier : ils tiennent « à bout de bras » les hôpitaux québécois en plus d’assumer leurs tâches de première ligne.

Les statistiques portant sur la pratique hospitalière des médecins de famille québécois sont ahurissantes : alors que la moyenne des heures travaillées en hôpital par les médecins de famille européens et canadiens est de 12 % (urgences, soins palliatifs, soins gériatriques), au Québec, c’est 38 % ! Notre pratique hospitalière vide les cabinets et les équipes médicales à domicile depuis 15 ans.

Nos syndicats médicaux sont étrangement silencieux sur ce problème de fond de notre « système » de santé. En ces temps de vieillissement rapide de la population, le gouvernement devrait revoir rapidement avec eux un partage des hospitalisations qui permettrait aux médecins de famille de travailler là où les pénuries sont sévères : à domicile, en longue durée et en cabinet.

Dans certaines régions mieux pourvues, la pandémie a révélé le rôle essentiel des médecins de famille en longue durée et à domicile pour libérer les hôpitaux. Nos médecins de famille sont formés pour prendre en charge des patients complexes hors des hôpitaux : donnons-leur la possibilité de le faire partout dans la province, comme ailleurs au Canada. C’est urgent.

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