Depuis l’élection du gouvernement de la CAQ, la question de l’immigration a été extrêmement présente dans l’actualité. Hormis la pandémie, peu d’enjeux ont fait couler autant d’encre que l’immigration et la pénurie de main-d’œuvre. Les chambres de commerce, présentes sur l’ensemble du territoire québécois, sont bien à même de pouvoir témoigner de l’importance de ces questions pour des milliers d’entreprises.

On a abondamment parlé au cours des trois dernières années des critères de sélection des immigrants, de la capacité d’intégration du Québec, des valeurs québécoises que ceux-ci doivent adopter, du degré de maîtrise du français et, évidemment, des seuils d’immigration.

D’aucuns conviendront que le sujet est loin d’être clos. Le printemps dernier, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) avait semé l’espoir que nous pourrions débattre sereinement sur le sujet en annonçant publiquement son intention de devancer les travaux sur la planification pluriannuelle de l’immigration, originalement prévus en 2022. Malheureusement, le gouvernement a changé d’avis et maintenu l’échéancier initial.

Il nous apparaît déraisonnable de prévoir un débat sur un sujet aussi clivant à la veille d’une campagne électorale. Les employeurs, membres des diverses chambres de commerce du Québec, craignent que l’immigration fasse encore l’objet de débats politiques se détournant d’une analyse concrète, basée sur des faits et des données socio-économiques.

Depuis 1978, le gouvernement du Québec possède des pouvoirs étendus en matière d’immigration. Cette entente Ottawa-Québec visait à reconnaître les spécificités culturelles et historiques du Québec. L’arrimage global qui devait suivre cet accord n’a cependant jamais été complété. Le manque de collaboration entre les ordres de gouvernement entraîne encore à ce jour un désavantage marqué pour les candidats à l’immigration permanente au Québec en raison des délais exacerbés par ce manque de cohésion.

Un candidat à l’immigration sélectionné par le Québec peut aujourd’hui espérer obtenir sa résidence permanente dans un délai de 27 mois, comparativement à 6 mois s’il passe par le régime fédéral.

C’est inadmissible qu’il soit plus facile pour un candidat à l’immigration s’exprimant en français de s’établir dans une autre province plutôt qu’au Québec.

Des employeurs nous interpellent régulièrement pour souligner qu’ils perdent des travailleurs potentiels ou même actuels au profit de concurrents d’autres provinces en raison de ce délai. Le gouvernement du Québec nous assure pouvoir réduire de façon significative ce déficit concurrentiel. Cependant, notre besoin n’est pas de réduire, mais d’éliminer cet écart. Il n’y a aucune raison valable pour maintenir une telle situation. La bureaucratie excessive ne peut être un trait distinctif de la culture québécoise.

Alors que nous pourrions tenir en ce moment une nouvelle consultation sur les seuils d’immigration, nous désirons à tout le moins rappeler au gouvernement notre proposition d’amorcer une consultation nationale itinérante auprès des acteurs économiques et sociaux sur l’apport de l’immigration et sur sa contribution potentielle à la diminution des impacts du vieillissement de la population et de la pénurie de main-d’œuvre. Il faut profiter de cette occasion pour faire une réelle réflexion sur cet enjeu et ne pas repousser à plus tard les décisions inévitables qui devront être prises.

L’immigration ne répondra pas à tous les besoins de main-d’œuvre, mais elle est une pièce inévitable du casse-tête. Alors que la pénurie de main-d’œuvre est de plus en plus criante, nous invitons le gouvernement à trouver un moyen d’éviter que sa politique en matière d’immigration soit directement responsable de la fermeture de centaines d’entreprises québécoises, en manque de travailleurs et d’expertise.

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