Que les Jeux olympiques de Tokyo brillent par leur diversité est une bonne chose. Qu’il s’agisse des épreuves mixtes ou des athlètes ouvertement non-binaire, saluons cette inclusion de la diversité sexuelle et de genre, et ce, dans une compétition suivie par des millions de personnes dans le monde.

Pensons à l’athlète canadienne Quinn, à Chelsea Wolfe et à Laurel Hubbard. De même qu’à Alana Smith, qui a su montrer son aisance dans un skate park tout autant que son sourire contagieux. Un souffle nouveau anime les compétitions de cette édition 2020 – ou plutôt 2021 !

Si l’enthousiasme est de mise, il faut reconnaître qu’un changement culturel de cet ordre ne vient pas sans effets. Un changement inclusif n’ajoute pas simplement quelque chose à la réalité sociale, elle la transforme. Aussi bonnes soient les intentions, chercher à corriger une injustice peut parfois créer un déséquilibre ailleurs.

Prenons l’exemple de la Néo-Zélandaise Laurel Hubbard, septième au monde dans la catégorie des femmes de plus de 87 kg en haltérophilie. Cette dernière avait de sérieuses chances de monter sur le podium. En ce qui concerne sa participation, beaucoup ne trouvent pas la chose tout à fait juste. En effet, cette inclusion vient malheureusement créer une « nouvelle inégalité ».

On a beau être content pour l’athlète ouvertement transgenre, de même qu’empathique envers sa transition, il demeure que ses collègues féminines peuvent se sentir lésées par l’organisation des Jeux. Que le tout ne transpire pas le fair play ni la juste compétition sportive.

Avantage compétitif disproportionné

Car les faits sont les suivants : pendant 35 années, Hubbard, alors assignée homme biologique, a pu développer une densité osseuse et une masse musculaire qui lui est propre. Et qui est n’a pas d’équivalence chez ses collègues féminines. La biologie nous enseigne que les mâles ont des poumons et un cœur plus massifs, davantage de globules rouges, plus de muscle et moins de graisse, et aussi une plus grande taille et un plus grand poids. Ce qui n’est pas un simple détail. À moins, bien sûr, que la biologie n’importe pas le moins du monde dans votre vision des choses ; et que ce soit par pure création sociale que les hommes ont statistiquement une capacité cardiovasculaire plus élevée et une plus grande masse musculaire.

Physiquement, c’est une différence majeure. Un avantage compétitif disproportionné. Et le nier revient à remettre en cause le statut du sport féminin, à nier les droits des femmes et le bien commun des épreuves. Le nier s’inscrit dans une démarche antiscientifique qui ne prendrait pas ses assises dans le réel.

Si Hubbard a pu participer aux Jeux, c’est qu’elle respectait certains critères. Par exemple, d’avoir déclaré son identité de genre féminine il y a de cela plus de quatre ans, puis d’avoir démontré un niveau de testostérone de moins de 10 nmol/l, et ce, 12 mois avant sa première compétition. Le problème, c’est que les critères du Comité international olympique (CIO) sont quelque peu perfectibles – en plus de ne contenir aucune référence scientifique. Surtout si l’on considère que de 20 à 60 ans, le taux de testostérone chez les femmes est d’environ 0,5 à 2,9 nmol/l et de 8,7 à 34,7 nmol/l chez les hommes. Même en bas de 10 nmol/l, c’est pernicieux et ça tend à ne pas prendre au sérieux le rôle d’une hormone comme la testostérone. D’ailleurs, certaines fédérations sportives réglementent déjà le niveau de testostérone à 5 nmol/l. Certes, il y a plusieurs facteurs qui sont à l’origine d’une réussite sportive. La persévérance, l’entraînement, l’aspect psychologique, les conditions environnementales. Mais la biologie est assurément à considérer.

Inévitablement, plusieurs femmes athlètes ont la déplaisante impression qu’on vient saboter leur espace de compétition.

Par ailleurs, s’il est vrai qu’une baisse de la capacité physique survient durant le processus de transition, que faire des nombreuses études qui indiquent qu’une personne qui a vécu une puberté masculine conserve des avantages significatifs en termes de force et de puissance, malgré la prise de médication pour réduire le niveau de testostérone ? Elles n’existent pas ? Elles sont transphobes ?

Bioéthique et vivre-ensemble

Poser que les femmes trans sont des femmes ne doit pas nous empêcher de réfléchir à comment « faire société » et comment considérer les diverses implications en présence. Si mettre à terre une injustice est enviable, rectifier une injustice au prix de nouvelles inégalités ne l’est en aucun cas. Cela invite à des reconsidérations bioéthiques pour les éditions olympiques subséquentes. On l’a récemment constaté avec les athlètes namibiennes et l’hyperandrogénie, le dossier est loin d’être réglé.

Il importe de se poser les bonnes questions, de revoir les règlements. Humblement. Rationnellement. Quel arrangement pour assurer un vivre-ensemble porteur sur le long terme, bien loin de la popularité éphémère d’une proposition ou de l’air du temps ? L’équilibre entre la sécurité, l’inclusion et le principe de juste compétition est un défi de taille. Une démarche progressiste se doit de prendre acte du réel et de s’ajuster en cours de route : c’est alors que nous ferons honneur à nos inclinations bienveillantes.

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