Les Jeux olympiques battent leur plein en ce moment à Tokyo et les athlètes redoublent d’efforts pour gagner une médaille et représenter fièrement leur pays. Ce n’est toutefois pas le cas de l’entreprise La Baie d’Hudson, qui a perdu ses Jeux avant même qu’ils commencent. En décidant de fabriquer la collection olympique, destinée au grand public, à l’étranger, et notamment en Chine, l’entreprise a raté l’occasion de frapper un gros coup. Surfant sur la vague olympique, mais aussi de l’achat local et d’une forme de patriotisme économique, La Baie aurait pu et dû profiter de cet évènement marquant pour développer une fierté et un attachement envers sa marque.

Comprenons-nous bien, l’idée n’est pas de remettre en cause la fabrication outre-mer. En dépit d’un retour, plutôt timide, de la production locale, la délocalisation est une réalité et le sera encore pour longtemps, spécialement pour certaines catégories de produits. Cela fait partie d’une forme d’équilibre planétaire dessinée par la mondialisation. Par contre, il faut évoquer le problème chinois. En effet, plusieurs grandes entreprises prennent leurs distances avec la Chine en raison de la situation de la minorité ouïghoure. Selon le journal Les Échos1, des images prises par satellite ont montré que des usines textiles étaient installées près de camps dans lesquels au moins un million de Ouïghours auraient été internés.

En dépit du poids énorme du marché chinois, la communauté internationale et les entreprises doivent prendre leur responsabilité. Ici, le Comité olympique canadien aurait dû imposer certaines exigences, notamment en termes des conditions de travail dans lesquelles ses produits promotionnels sont fabriqués.

Ce que La Baie d’Hudson aurait pu faire, c’est un geste fort et symbolique en fabriquant ses produits au Canada, et en collaborant avec des entreprises d’ici. Elle aurait même pu utiliser cette initiative pour générer du contenu, le partager et initier du même coup des interactions avec les Canadiens. De plus, c’est l’industrie locale qui aurait pu le faire, notamment au Québec. Nous avons l’expertise et la capacité nécessaire, surtout que certaines entreprises produisaient moins à cause de la pandémie, et maintenant, celles fabriquant des masques ou des uniformes médicaux en font beaucoup moins. Rappelons au passage que Montréal est l’une des villes les plus importantes en Amérique du Nord en termes de production vestimentaire.

Une autre occasion ratée pour rappeler le lien historique fort de La Baie d’Hudson avec le Canada – l’entreprise a été créée le 2 mai 1670 pour exploiter la fourrure –, c’est la collaboration avec l’entreprise américaine Levi’s pour certains produits en denim. Là aussi, nous avons des entreprises québécoises capables de le faire, à l’instar de Second Denim, une entreprise de classe mondiale qui fabrique des jeans dans ses installations en Beauce. Encore une fois, une collection capsule avec une entreprise d’ici aurait eu des retombées intéressantes.

PHOTO LA BAIE D’HUDSON VIA ASSOCIATED PRESS

Le manteau en jeans créé par La Baie d’Hudson, en collaboration avec Levi’s, pour l’équipe olympique canadienne

Maintenant, ce qui peut expliquer cette décision, au-delà de l’appât du gain, c’est la structure de gouvernance de La Baie d’Hudson, contrôlée depuis 2006 par des Américains, et, depuis 2020, entièrement détenue par une société de portefeuille établie aux Bermudes. Nous enseignons dans les écoles de commerce que les stratégies d’une entreprise sont souvent le reflet des valeurs et des aspirations de sa direction. Cette hypothèse ne peut être mieux illustrée par l’influence du gouverneur de La Baie d’Hudson, Richard Baker, qui a transformé l’entreprise en une corporation qui gère essentiellement des actifs immobiliers plutôt que des commerces de détail.

Au moment où les entreprises sont appelées à prendre position socialement et à encourager le commerce local, la décision de La Baie sonne comme une fausse note. Quand des entreprises vont-elles comprendre qu’il y a des avantages, notamment pour certains types de produit, de les fabriquer localement ? Sans tomber dans un discours utopique ou moralisateur, les entreprises comprennent de plus en plus que, dans une vision à long terme, leur objectif est non seulement de générer des dividendes, mais de créer de la richesse pour toutes sortes de parties prenantes (communauté, employés, environnement…), qui, à son tour, amènera la rentabilité. Oui, l’entreprise s’implique de façon importante auprès des athlètes, mais comme dans le sport, il faut viser toujours plus.

1. Lisez « Ouïghours : la Chine pousse les marques étrangères à se positionner » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion