Le Sénat du Canada est une fois de plus sous les feux de la rampe, une position familière pour la chambre haute.

Cette fois, l’attention provient de l’hypothèse selon laquelle les sénateurs pourraient être rappelés à Ottawa pour adopter deux projets de loi prioritaires pour le gouvernement libéral : le projet de loi C-10, qui vise à modifier la Loi sur la radiodiffusion, et le projet de loi C-6, qui criminaliserait la thérapie de conversion des homosexuels.

Cet épisode est emblématique des pressions concurrentes auxquelles est confrontée notre chambre de « second examen objectif ». D’une part, lorsque les sénateurs adoptent des projets de loi trop rapidement, on leur reproche de ne pas prendre leur rôle législatif au sérieux. D’autre part, lorsqu’ils prennent le temps de délibérer en profondeur sur une législation, ils risquent d’être critiqués pour avoir bloqué le programme du gouvernement.

Le premier ministre a nommé trois nouveaux sénateurs en juin dernier, et ceux-ci se demandent sans doute ce qu’ils pourront accomplir au sein de la chambre rouge. Ils ne sont pas les seuls. Très peu comprennent la nature du Sénat et son rôle. Cette chambre a-t-elle une fonction législative ou n’est-elle qu’une simple chambre d’enregistrement du travail de la Chambre des communes ?

Aujourd’hui, à une époque de profonds changements au Canada et sous un gouvernement qui s’était initialement engagé à faire entrer le Sénat dans le XXIe siècle, la réalité est que, bien que le Sénat ait réévalué sa raison d’être en tant qu’institution, il n’a pas encore réussi à l’exprimer de façon convaincante aux Canadiens.

Si les sénateurs ne réussissent pas ce « tour de force » au cours des prochaines années, les Canadiens continueront de contester la pertinence de la Chambre rouge, comme ils le font de plus en plus depuis la Confédération.

Voyez comment la « description de poste » d’un sénateur sortant peut différer des attentes de Bernadette Clement, Hassan Yussuff et James Quinn, les nouveaux sénateurs indépendants de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick. Le fait que les nouveaux sénateurs soient désignés comme indépendants constitue une différence marquée par rapport à l’expérience de leurs prédécesseurs. Avant la tentative du premier ministre Justin Trudeau d’éliminer la partisanerie de la chambre, le Sénat était défini par la discipline partisane et la division interpartis.

Cela dit, il est important de ne pas surestimer cette différence. La plupart des sénateurs nommés selon le nouveau processus partagent largement la philosophie politique du gouvernement actuel. En outre, ils subissent toujours une très forte pression de la part du gouvernement pour travailler rapidement sur les lois prioritaires. Il reste également à voir combien de temps la structure « modernisée » restera en place, étant donné que les conservateurs ont promis un retour aux nominations partisanes lorsqu’ils formeront à nouveau le gouvernement.

La différence la plus notable dans le Sénat d’aujourd’hui est peut-être l’augmentation significative de la représentation des femmes, des peuples autochtones et des groupes minoritaires. Près de la moitié des sénateurs en exercice sont des femmes, 17 % appartiennent à des minorités visibles et 11 % sont autochtones.

Tous ceux qui ont siégé au Sénat au cours des dernières années savent à quel point l’atmosphère a changé en chambre. De nouvelles perspectives et expériences ont fait évoluer le débat et mis en lumière des considérations législatives cruciales pour ces groupes.

Surtout en ce moment, alors que la réconciliation est à l’ordre du jour et que le Canada a son premier gouverneur général autochtone, le Sénat peut être la voix des Premières Nations, des Métis et des Inuits.

Bien que la plupart des Canadiens l’ignorent, le Sénat peut apporter des changements positifs. Lorsqu’il fonctionne correctement, son impact législatif peut être profond — pensez au succès récent des sénateurs qui ont forcé le gouvernement à modifier son projet de loi sur l’aide à mourir. En même temps, il est un moyen essentiel d’améliorer la diversité à Ottawa. Malheureusement, ce bon travail est trop souvent enterré par une controverse sur le comportement d’un sénateur ou par une critique imméritée venant de l’autre Chambre.

Le Sénat évolue afin de devenir plus pertinent et plus utile. Cet objectif demande beaucoup de travail, de détermination et de courage. Connaissant bon nombre des sénateurs actuels et nouveaux, nous sommes convaincus qu’ils réussiront à restaurer cette institution incomprise.

* Les deux auteurs sont associés au Centre canadien pour la mission de l’entreprise.

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