L’assassinat du président d’Haïti Jovenel Moïse, le 7 juillet dernier, survient dans un contexte généralisé de violence, d’insécurité et d’impunité. Depuis plusieurs années, Haïti est en proie à une crise sociale et politique. Au cours de la dernière semaine, au moins 20 personnes ont été assassinées en une nuit à Port-au-Prince, dont un journaliste et une défenseure des droits de la personne.

Après les massacres et autres violations graves des droits de la personne, qui ont causé tant de victimes au sein de la population ces derniers mois, après les nombreuses attaques contre les leaders sociaux et les défenseurs des droits de la personne, après le meurtre du bâtonnier de Port-au-Prince, voilà que le président en exercice d’Haïti est lui-même assassiné. Au-delà de toute considération politique, c’est une atteinte grave à l’État de droit qui nécessite une réponse rapide et concrète.

Dans un premier temps, il faut identifier, arrêter et traduire en justice les auteurs de l’assassinat du président Moïse, conformément au droit haïtien et au droit international.

S’en prendre physiquement aux personnes soupçonnées d’avoir participé à son assassinat viole les principes de l’État de droit et n’aidera pas à rétablir la vérité. Ce n’est pas une option.

De quelles actions concrètes parle-t-on ? Nous en proposons ici quelques-unes, sur la base de nos 15 années de travail en Haïti et de leçons apprises auprès de partenaires en Haïti et en Amérique latine.

Miser sur la société civile haïtienne.

Si ce nouvel épisode malheureux suscite évidemment l’indignation, voire le découragement et le cynisme, avec son lot de dénonciations des échecs du gouvernement haïtien et de la communauté internationale à réformer les institutions, le travail de la société civile, lui, porte ses fruits. La société civile haïtienne est riche de compétences et de résilience. C’est elle qui porte avec courage le combat pour les droits de la personne, particulièrement la jeunesse qui s’est par exemple élevée pour dire non à la corruption dans le scandale du vol de milliards de dollars de fonds publics Petrocaribe.

Faire de l’État de droit la priorité des priorités.

L’assassinat du président Moïse est une illustration saisissante des problèmes qui affectent Haïti. Il n’y aura de solutions à ces problèmes que si le renforcement de la justice et la lutte contre l’impunité et la corruption deviennent des priorités absolues, qu’elles se transforment en actions concrètes pour que plus jamais de tels actes ne se reproduisent. C’est aussi une condition à ce qu’on progresse en matière d’éducation, de santé, de logement, d’alimentation, de développement social et économique, etc. L’État de droit, la justice, la sécurité et le développement sont intimement liés les uns aux autres. En l’absence d’État de droit et de justice, ni la sécurité ni le développement ne peuvent être pleinement réalisés.

Mettre sur pied une commission mixte pour lutter contre l’impunité.

D’aucuns estiment que les institutions haïtiennes sont faibles et que les niveaux de corruption et d’impunité sont stratosphériques. D’autres pays sont passés par là et ont décidé d’agir. Misant sur les forces complémentaires de procureurs et juges nationaux alliés à des collègues internationaux, ils ont entrepris des enquêtes, débusqué les corrompus et les corrupteurs, les ont traduits en justice et les ont condamnés, prouvant qu’il est possible de changer le cours des choses. Ce fut le cas, par exemple, avec la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala, la Mission d’appui contre la corruption au Honduras, et la Commission internationale contre l’impunité au Salvador.

Les Haïtiennes et les Haïtiens sont massivement – et pacifiquement – sortis dans les rues pour exiger des actions innovantes de prévention et de lutte contre la corruption.

Ces expériences comparées nous enseignent l’importance de développer des mécanismes adaptés au contexte et développés par et pour les Haïtiens.

Haïti n’est pas perpétuellement vouée à voguer de crise en crise. La violence, l’insécurité, la corruption et l’impunité ne sont pas des fatalités. La société civile haïtienne s’y attaque déjà. Ce mouvement peut être amplifié et renforcé. Et la communauté internationale peut l’appuyer en soutenant la mise sur pied d’un véritable mécanisme de lutte contre l’impunité.

Dans la noirceur des récents évènements oscille toujours une lumière d’espoir, de changement. À nous maintenant de l’alimenter.

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