Les entreprises québécoises et canadiennes financent de moins en moins de recherche-développement (R-D) par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE ; le déclin amorcé au tournant du siècle se poursuit. Pourtant, les incitatifs sont là : en 2020, la générosité de l’effet combiné des subventions et des crédits d’impôts à la R-D place le Canada passablement en avance sur la moyenne des pays de l’OCDE. Malgré une légère augmentation proportionnelle du financement direct depuis 2000, les crédits d’impôt constituent toujours l’essentiel du soutien gouvernemental à la R-D industrielle.

La poursuite du rééquilibrage entre ces deux mécanismes de financement de la R-D est menacée, car la reprise économique nécessaire pour sortir du marasme dans lequel la pandémie nous a plongés se déroulera probablement dans un contexte de resserrement du crédit et des finances publiques. Alors que nous nous efforçons de reconstruire nos économies avec des contraintes financières sans précédent, nous devrons faire des choix difficiles en termes de soutien public et privé à l’innovation des entreprises.

Nos recherches montrent que les entreprises faisant face à des contraintes financières à l’innovation n’arrivent pas à les atténuer complètement afin d’augmenter leur propension à innover.

Alors, qu’est-ce qui ne va pas ? Il existe une multitude de programmes gouvernementaux de soutien aux activités d’innovation, mais leur coordination reste encore à organiser.

Le récent budget fédéral montre que les éléments nécessaires sont dispersés ici et là, mais que l’essentielle coordination entre les ministères et les programmes fait encore défaut. Lorsque viendra le temps de faire des choix difficiles en termes de programmes à conserver et à améliorer, nous devrons toutefois être préparés et avoir déjà optimisé et coordonné le soutien à l’innovation.

Mais les contraintes ne sont pas que financières. Les entreprises potentiellement innovantes font face à de multiples obstacles allant de la pénurie et du manque de compétences de la main-d’œuvre aux questions de réglementation, de propriété intellectuelle (PI) et de politiques de concurrence gouvernementales. Par exemple, le risque et l’incertitude liés à l’innovation freinent l’innovation chez plus de 40 % des entreprises innovantes.

Les ingrédients du succès

Quels sont alors les ingrédients nécessaires au succès mondial d’une invention de chez nous ?

Écarter les risques de l’innovation est sans doute la tâche la plus importante à entreprendre. Les approvisionnements publics représentent une voie prometteuse dans les domaines où le secteur public est un « premier utilisateur » de l’innovation. Les tests et la validation des technologies à l’intérieur de l’appareil public permettent d’atténuer les risques des investissements en matière d’innovation.

La faible taille du marché intérieur pousse nos PME à exporter très tôt dans leur développement, les obligeant du même coup à protéger adéquatement leur propriété intellectuelle.

Leurs bonnes idées, inventions et innovations sont ainsi visibles internationalement bien avant qu’elles aient la volonté de se défendre ou les reins assez solides pour ce faire. Une protection appropriée de la PI constitue un élément essentiel des stratégies de collaboration et d’exportation. Elle est aussi nécessaire lors de la négociation en vue de l’établissement de standards internationaux. La présence à la table de négociation des standards internationaux constitue aussi un atout. Or, les PME n’ont généralement pas les moyens d’y consacrer le temps et les ressources nécessaires. Les membres de l’écosystème peuvent ainsi se concerter pour assurer une présence et une voie unifiée lors de ces négociations.

Dans les secteurs de haute technologie où la réglementation joue un rôle prépondérant, cette dernière est perçue comme un frein ralentissant la trajectoire d’une innovation vers le marché plutôt qu’un obstacle insurmontable à son développement. En fait, beaucoup d’innovateurs considèrent la question de la réglementation trop tard dans le développement d’une innovation. Une collaboration accrue dans les phases en amont de l’innovation est non seulement souhaitable, mais elle permet également d’améliorer et d’accélérer le développement et le déploiement de l’innovation (et aussi de l’exercice réglementaire).

Pendant la dernière année, les organisations réglementaires ont démontré une efficacité et une agilité hors pair pour ce qui est de l’approbation des divers vaccins et équipements médicaux nécessaires à la course contre la montre liée à la pandémie de COVID-19. Elles ont accompli un travail remarquable avec la célérité nécessaire.

Il reste maintenant à tirer les leçons de ce tour de force pour l’étendre aux autres secteurs névralgiques de l’économie.

Un processus réglementaire rapide et efficace, exploitant les méthodes agiles, provenant d’organismes nationaux reconnus mondialement donnerait aux innovations québécoises ainsi certifiées le coup de pouce nécessaire pour s’imposer à l’international. De plus, si la PI inhérente à ces technologies est adéquatement protégée, et si l’écosystème d’innovation fait en sorte de promouvoir celles-ci comme éléments cruciaux de standards internationaux, alors on pave la voie à l’acceptation de nos innovations comme standard dominant. Comme les contraintes financières demeurent un obstacle que les entreprises potentiellement innovantes peinent encore à surmonter, une meilleure gestion des enjeux de PI, de réglementation et de standards aurait un effet de levier puissant en matière d’attraction de l’investissement, puisque moins risqué.

Finalement, les bons choix pour le succès mondial d’une innovation québécoise nécessitent que les ministères soient des partenaires actifs d’écosystèmes d’innovation bien gouvernés et coordonnés. Une fois cela en place et bien orchestré, nous, au Québec, pourrons cesser de jouer les seconds violons par rapport au reste du monde en termes d’innovation.

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