L’auteur réagit à l’article « La chicane de trop* » de Denis Lessard, publié le 6 juin dernier.

Cher Denis Lessard,
Décidément vous semblez faire une obsession de l’existence du Centre Vidéotron à Québec… et de l’urticaire concernant mon administration ! Alors, je me dois, malheureusement encore une fois, de corriger les « omissions » de votre chronique du 6 juin dernier intitulée « La chicane de trop ». Seulement quelques vérifications de votre part auraient pu m’éviter d’investir du temps pour cette réplique, mais vous ne les avez pas faites… encore !

Vous sachant mélomane, je vous propose un petit jeu des comparaisons : comparaisons de clientèles. Vous êtes féru de musique classique, ou symphonique, alors que d’autres préfèrent le genre plus lourd, disons Metallica. Pour ma part, mon spectre de préférences musicales allant du chant grégorien au gros rock trois accords me fait me sentir tout à fait à l’aise dans les deux genres.

L’ancien Colisée de Québec ne pouvait plus recevoir de grands spectacles parce qu’il était techniquement désuet ; presque de l’ère du charbon. Les tournées de spectacles de classe internationale nous passaient sous le nez et nous devions nous rendre à Montréal pour y avoir droit.

Comme du temps où, jadis, mes tantes du Lac-Saint-Jean venaient magasiner en groupe à Québec, ne trouvant pas chez elles ce qu’elles cherchaient.

Mais revenons à notre petit jeu. Je propose de comparer les contributions gouvernementales à deux des plus récentes infrastructures publiques construites au Québec et servant à des spectacles d’envergure : la Maison symphonique à Montréal et le Centre Vidéotron à Québec.

Le dernier chiffre que j’ai obtenu concernant le coût total final du projet de la Maison symphonique de Montréal est de 259 millions de dollars. Je vous fais remarquer que ce chiffre correspond à 70 % du coût total final du Centre Vidéotron, qui a été bâti, lui, pour 370 millions, c’est-à-dire 30 millions en deçà du coût prévu de 400 millions. Je suis obligé de rappeler que le coût du projet initial prévu de la Maison symphonique était estimé à 105 millions… Avouez que ce résultat n’aide en rien à guérir ma trop grande vanité !

Le gouvernement du Québec a payé complètement la note de la Maison symphonique de Montréal sous le couvert des jadis miraculeux PPP. On disait à l’époque que ce qui était payant pour le privé ne l’était pas pour le public… allez y comprendre quelque chose. À Québec, le même gouvernement n’a déboursé que 50 % de la facture pour le Centre Vidéotron, soit 185 millions, c’est-à-dire 74 millions de moins que sa contribution à la Maison symphonique !

Quant à la Ville de Québec, elle n’a payé que 37 % du total, soit 137 millions, parce qu’elle a reçu 15,5 millions de l’organisation J’ai ma place, et vendu les droits d’identification de l’édifice à Québecor contre un paiement comptant de 33 millions. La valeur du Centre dans les livres de la Ville est actuellement de 367 millions, presque trois fois plus que son coût payé !

En termes d’investissements de fonds publics, le Centre Vidéotron n’a coûté que 19 % de plus que la Maison symphonique, 322 millions contre 259 millions. Alors, pourquoi autant râler sur ce qui a été investi à Québec mais pas à Montréal ?

Petit détail, 259 millions divisés par 2100 sièges revient à 123 000 $ par siège dans le cas de la Maison symphonique, alors que 322 millions divisés par 18 259 sièges revient à 18 000 $ par siège au Centre Vidéotron. Du sept contre un en faveur de la Maison symphonique en investissement public seulement !

D’autre part, pour l’ensemble des Québécois qui contribuent à payer les deux, on parle de 123 000 $ par siège pour la Maison symphonique de Montréal, mais de 10 100 $ pour le Centre Vidéotron, soit 185 millions divisés par 18 259 sièges. Du 12 pour 1, toujours en faveur de la Maison symphonique !

Le confort de l’arrière-train est donc beaucoup plus onéreux pour la Neuvième de Beethoven que pour Master of Puppets !

Ah oui ! les déficits, qu’ils disent, ces fameux râleurs ! Ah bon ! Dois-je comprendre que la Maison symphonique croule annuellement sous les profits sans subventions gouvernementales ? Racontez-moi ça pour voir et j’en serai excité comme un cachalot en rut !

La Ville de Québec paye les déficits du Centre Vidéotron année après année, qu’ils répètent. Pas tout à fait, justement.

La Ville a fait des bénéfices nets d’opérations cumulés de 2,6 millions depuis l’ouverture du Centre Vidéotron, incluant 2020, l’année pandémique ! Eh oui, les amis, et tout ça en remboursant le loyer annuel du gestionnaire Québecor depuis l’ouverture…

Suivez-moi et vous comprendrez qu’on a vu plus loin que le bout de notre nez dans toute cette affaire !

Tout d’abord, nous avons préféré recevoir 33 millions au comptant au départ pour les droits d’identification. Ces millions de dollars nous rapportent, en temps normal, le rendement que nous attendons de nos investissements dans nos fonds de pension, entre 5 et 10 %. Nous avons choisi de recevoir cette somme en échange des clés de l’édifice et du paiement du loyer seulement lorsque le gestionnaire fera des bénéfices.

Sortez votre calculette et vous comprendrez que, seulement avec ce rendement, le loyer annuel se paiera tout seul pendant la durée de l’entente, soit 25 ans. Nous aurions pu exiger le montant des loyers dès l’ouverture en plus d’autres bénéfices dont je parle plus loin dans ce texte, mais nous avons conclu que d’exiger le paiement comptant de 33 millions était plus payant à moyen et long terme pour la Ville. Alors, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras !

Aussitôt que le gestionnaire fera des bénéfices avec ses opérations, le loyer ne sera plus remboursable et la Ville y gagnera encore plus. Actuellement, le loyer est remboursable à hauteur de 50 % du déficit jusqu’à concurrence du loyer complet.

Nous avons aussi obtenu des redevances sur les billets vendus pour les spectacles et ainsi emmagasiné près de 5 millions de dollars en cinq ans.

Au surplus, la Ville recevra une partie des profits nets totaux de l’exploitation de l’édifice lorsque le gestionnaire en dégagera. Finalement, si Québecor attire un club de la LNH à Québec, avant le premier match, l’entreprise devra faire un autre chèque de 30 millions comptant à la Ville pour couvrir l’avantage du droit d’identification qui prendrait ainsi de la valeur.

Mais si vous croyez qu’en plus d’avoir négocié tous ces avantages nous aurions pu exiger un loyer pendant que les opérations sont déficitaires tout en exigeant un paiement cash de 33 millions, et tout ça sans équipe de sport professionnel, je vous recommande rapidement un cours d’initiation à la vie économique de niveau secondaire !

Et en passant, le gestionnaire doit aussi entretenir l’édifice et il paie des taxes municipales sur les locaux administratifs qu’il utilise, comme le faisait le dernier locataire du Colisée parce que la Ville est propriétaire de l’infrastructure. Deux millions depuis cinq ans dans le cas de Québecor.

Je vous explique le raisonnement d’affaires là-dessus.

En règle générale, 30 % des spectateurs des spectacles de niveau international font plus d’une heure de route pour y assister. C’est donc dire que beaucoup d’entre eux fréquentent les hôtels, les restaurants et autres commerces de la ville de Québec. Ils laissent ainsi dans notre économie des millions de dollars année après année. Et tous ces commerces paient eux aussi des taxes municipales. Leur profitabilité s’améliore grâce à ces spectacles, ce qui augmente conséquemment les revenus de taxes de la Ville.

Il faut comprendre que Québec est le centre urbain le plus important de l’est du Québec et donc que le Centre Vidéotron est l’amphithéâtre le plus près pour approximativement 2,8 millions de Québécois, et ajoutez à cela une partie des Maritimes.

Tous ces revenus n’existaient pas avant la construction de l’amphithéâtre ; ils sont arrivés avec son existence.

Par ailleurs, lorsque l’exploitation du lieu deviendra profitable, la Ville encaissera les millions de dollars additionnels en revenus de loyer, des revenus sur encore plus de billets vendus et sur les profits nets, en plus du rendement continu sur la somme de 33 millions payée au début.

Tous ces revenus dépasseront aisément les taxes qui devraient être payées par n’importe quelle organisation privée dans notre ville.

Et toujours des milliers de spectateurs de l’extérieur continueront de laisser des millions de dollars dans notre économie.

On appelle cela de la perspective, du développement économique, monsieur Lessard, investir dans l’avenir et l’économie de notre communauté.

Pour résumer, en ce qui concerne l’argent versé par Québecor à la Ville depuis cinq ans, il s’agit d’un total brut de 39,6 millions. On parle ici d’une opération qui a vécu un démarrage et une pandémie au surplus.

Au total, je défie quiconque de trouver au pays une entente aussi profitable envers les contribuables locaux pour la gestion d’un amphithéâtre de cette envergure appartenant à leur ville.

Réponses à quelques questions

Pourquoi Québecor ?

Parce que nous voulions avoir un gestionnaire privé, car nous ne sommes pas des promoteurs de spectacles, et parce qu’ils ont fait la meilleure offre. Basique !

Pourquoi le privé n’a-t-il pas contribué ?

Parce que sans club de sport professionnel, le coût de construction d’un tel amphithéâtre ne peut pas être rentable à Québec.

Alors pourquoi la Ville a-t-elle investi de ses fonds publics pour le construire ?

Parce que nous sommes une ville moderne et que ses habitants veulent aussi avoir accès, entre autres, aux grands spectacles internationaux. Pour nous, cela fait partie de notre qualité de vie et de notre attraction comme cela sera le cas pour le futur tramway. Un investissement public, ça existe justement pour ça ! Comme cela a été fait jadis pour le Palais Montcalm, les musées, l’Anneau de glace, Le Diamant, la Maison de la littérature, etc.

Avez-vous endetté la Ville pour longtemps ?

Parmi les grandes villes les plus endettées au Québec il y a une dizaine d’années, Québec fait maintenant partie de celles qui sont le moins endettées. Québec rembourse même sa dette accumulée depuis quelques années.

Pour ceux atteints d’apoplexie juste à l’idée de penser à l’amphithéâtre de Québec, rappelez-vous comment l’incroyable saga du Stade olympique nous a collectivement ruinés, et pourquoi la Caisse de dépôt et placement du Québec a investi pour que George Gillett puisse racheter le Canadien de Montréal dont personne ne voulait en 2001 !

J’ai toujours été d’accord avec un projet comme celui de la Maison symphonique pour une métropole comme Montréal. Mais je crois qu’on a aussi le droit d’assister au show de James Hetfield et sa tribu au Centre Vidéotron, sur des sièges qui ont coûté mauditement moins cher que ceux de la Maison symphonique de Montréal !

Tout cela pour dire : cessez de vous étouffer avec l’investissement public dans le Centre Vidéotron quand vous n’en connaissez pas la mécanique financière, et continuez à vous concentrer sur la politique provinciale où vous avez eu beaucoup de succès, cher monsieur Lessard !

Des faits têtus

La rivalité Québec-Montréal a toujours fait recette. Soufflant sur les braises de la division, vous ajoutez le clivage entre culture populaire et élitiste, selon vous. Une aubaine. Comparer, au prorata des sièges, le coût des édifices fait sourire. Les faits sont têtus ; l’amphithéâtre devait accueillir une équipe de la LNH. Il n’y en a pas. En attendant, les contribuables de Québec ont payé 2,5 millions de dollars pour le déficit 2019, avant même la pandémie.

Denis Lessard

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