Le mois de juin a été désigné comme le moment annuel de souligner la contribution des cultures autochtones du Canada à la richesse passée et présente du Canada et du Québec. Par ailleurs, les images tragiques récentes, rappelant les évènements honteux des pensionnats « indiens », illustrent les effets difficiles à admettre de notre conviction de supériorité européenne.

Seule cette certitude commune à toutes les entreprises coloniales, du XVIe siècle à nos jours, peut expliquer la participation des intérêts les plus divers aux projets de liquidation de « l’indianité ». Comment expliquer autrement, par exemple, la collaboration de la jeune Canadienne française entrée chez les Sœurs grises en 1880 avec les entrepreneurs capitalistes développant le projet du chemin de fer transcanadien ?

Les effets cumulés de cette conviction que nous nommons aujourd’hui coloniale suscitent une horreur de plus en plus générale. Avec elle vient la question : comment transformer ce sentiment en capacité collective de modifier une certitude commune, d’origine majoritairement européenne, mais qui appartient à toutes les sociétés ayant occupé les territoires humanisés par les Premières Nations du monde ? Les héritiers des occupants doivent reconnaître leur responsabilité collective et s’excuser, bien sûr. Mais cela ne suffit évidemment pas.

La transformation requise chez les héritiers que nous sommes doit préparer une authentique reconnaissance de la qualité profonde des cultures qui ont humanisé l’espace précolombien du Nord où nous habitons.

La reconnaissance de l’égalité, de la spécificité et de la contemporanéité des cultures porteuses de l’autochtonie constitue un devoir éducatif qui a vocation de politique publique essentielle. Peu de citoyennes et de citoyens québécois savent que l’Assemblée nationale a pris une décision capitale en ce sens dès 2005 lors de l’adoption de la loi 95 mettant fin à l’enseignement religieux et moral confessionnel et le remplaçant par le programme d’éthique et culture religieuse. Libéraux et péquistes étaient alors d’accord avec cette proposition.

Depuis 16 ans, tout le débat public apparu à la suite de la création de ce programme a tourné autour de la culture religieuse. Il y avait là, effectivement, une véritable révolution concernant la fonction de l’éducation sous l’autorité de l’État. Se terminait ainsi la jonction multiséculaire de l’État et des différentes traditions chrétiennes. L’évolution des mentalités populaires et l’exigence portant sur le respect de l’égalité entre les diverses convictions religieuses ou non religieuses placée en tête de la Charte des droits et libertés de la personne (Québec, 1978) la rendaient nécessaire depuis longtemps.

L’autre révolution

Mais une autre révolution, civilisationnelle celle-là, se cachait dans la première : l’héritage spirituel des cultures autochtones prenait place au même niveau prioritaire que celui occupé par le patrimoine chrétien catholique et protestant et le patrimoine juif, à titre de notre patrimoine commun. C’est bien en fonction de ce critère patrimonial que le ministre Fournier identifiait la courte liste des traditions retenues par le programme.

Je donnais alors depuis 20 ans à l’UQAM un cours portant sur la dimension religieuse des traditions autochtones présentes au Québec. Je fus époustouflé de surprise et totalement ravi. Cette innovation québécoise est sans comparaison ailleurs dans le monde.

Elle convenait tout particulièrement à la phase historique où nous étions devenus une société pluraliste, métissant les visions du monde cohabitant ensemble. Nous allions donner accès à celles-ci dans la perspective des sciences humaines propre aux savoirs universitaires irriguant la formation des jeunes.

Seize ans plus tard, le ministre Roberge, au terme d’une « année de fous », s’apprête à liquider en douce l’essentiel de cet acquis intégrant enfin le cœur des cultures autochtones, en pleine revitalisation à partir de leurs propres sources. Pourquoi supprimer tout le contenu des héritages religieux ainsi que l’acquisition de la compétence portant sur l’habilitation éthique des jeunes citoyennes et citoyens ? Nous attendons encore l’argumentation qui légitimerait la négation du droit des jeunes à connaître.

Comment expliquer qu’on puisse interdire l’accès à l’héritage symbolique fondamental où se jouent les mobilisations existentielles du courage de faire face à la vie ! Voulons-nous de cette trahison civilisationnelle qui nous prive de tous nos héritages, y compris le grand héritage des Peuples Premiers ? Dans quelle sorte de société démocratique veut-on nous diriger de force et en toute ignorance ?

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion