En écoutant les nouvelles de la tuerie à London en Ontario, j’avais le sentiment de regarder un film d’horreur pour la deuxième fois. Je me voyais le soir du 29 janvier 2017 quand le Québec a appris avec stupéfaction le drame qui s’était déroulé à la Grande Mosquée de Québec.

Il est difficile de trouver des mots pour décrire cette horreur dans un cas comme dans l’autre. Mes premières pensées sont pour les victimes et leurs familles. Depuis dimanche, je n’arrête pas de penser au garçon de 9 ans qui se bat pour sa vie sur un lit d’hôpital. Il ne pouvait pas comprendre pourquoi sa mère, son père, sa sœur et sa grand-mère ne sont pas à ses côtés alors qu’il ne se savait pas encore orphelin. Maintenant il le sait. Quelle terrible façon de commencer sa vie !

Penser à Salman, Madiha, Youmna et Talat, victimes de la tuerie de London, m’oblige à penser à Boubakr, Khaled, Abdelkrim, Izzidine, Ibrahima et Mamadou, victimes de la tuerie à la Grande Mosquée de Québec. Quand on pense au jeune garçon à l’hôpital qui va porter les séquelles de la tuerie de London toute sa vie, on ne peut pas s’empêcher de penser à Ayman Derbali que la tuerie à Québec a rendu paraplégique pour la vie.

Le 6 juin 2021, une promenade dans un parc de London finit dans un bain de sang comme une prière dans une mosquée à Québec a fini aussi tragiquement, le 29 janvier 2017.

J’aimerais faire partager mes réflexions sur le parallèle entre ces deux tragédies et le défi auquel nous faisons face :

1. Dans les deux cas, le tueur ne connaissait pas ses victimes. Il les a choisies au hasard pour la simple raison qu’elles sont musulmanes. Nier l’existence de l’islamophobie dans ces deux cas et bien d’autres cas, même moins sanglants, serait se mettre la tête dans le sable.

2. En voyant la détermination et le sang-froid avec lesquels ces deux tueries ont été exécutées, on constate la profondeur de la haine qui motivait l’assassin.

3. Dans les deux cas, les victimes étaient des universitaires et des professionnels qui contribuaient très positivement à la société qu’ils ont choisie et qui les a accueillis. Après les familles des victimes, le plus grand perdant n’était pas leurs pays d’origine, mais plutôt cette société d’accueil qu’ils servaient avec dévouement et loyauté. Cela me fait dire que la lutte contre l’islamophobie ne sert pas uniquement à protéger les musulmans, mais à protéger la société elle-même.

4. J’aimerais rassurer les Canadiens et les Québécois de confession musulmane qui, à la suite de cette tragédie, se sentent menacés. C’est vrai qu’il y a eu des actes islamophobes et que des musulmans ont malheureusement perdu la vie pour l’unique raison qu’ils sont musulmans. Cependant, ce serait exagéré de penser qu’un musulman est plus en danger au Canada qu’ailleurs. Cette société est la nôtre et nous sommes ici pour de bon.

5. Lors de mon hommage aux victimes de la tuerie, j’ai lancé un cri du cœur pour que l’après-29 janvier 2017 soit différent de l’avant-29 janvier 2017. J’ai aussi fait appel à nos dirigeants et à toute notre société afin de prendre les mesures nécessaires pour que ces victimes soient les dernières victimes de la haine et de la propagande haineuse.

Le gouvernement fédéral a annoncé son intention de faire du 29 janvier la Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie, en l’honneur des victimes et en solidarité avec les survivants de cette tragédie. C’est un pas dans la bonne direction.

Malheureusement, on voit la commémoration, mais on ne voit pas l’action pour protéger la société de l’islamophobie. Il est temps d’agir.

Il serait opportun aussi que le gouvernement du Québec reconnaisse l’existence de l’islamophobie et adopte les mesures nécessaires pour la combattre. Certainement, ça ne voudra pas dire que le Québec est raciste ou islamophobe. Par contre, il y a des racistes et des islamophobes et on doit prendre les moyens pour les identifier et les mettre hors d’état de nuire.

6. Certaines personnes, surtout à l’extérieur du Québec, tentent d’utiliser la tuerie de London et la montée de l’islamophobie pour faire du Québec bashing. Certains essaient de lier la loi 21 à la tuerie de London. Je ne suis pas en faveur de la loi 21. Par contre, je suis convaincu que ça prend beaucoup d’imagination et surtout beaucoup de mauvaise volonté pour lier cette loi à la tragédie de London.

Finalement, les victimes de Québec et de London ont été tuées parce qu’elles étaient musulmanes. Il est temps de reconnaître l’existence de l’islamophobie et la nécessité de protéger la société de ses dangers. Ce fléau ne menace pas seulement les musulmans, mais toute la société, y compris les auteurs de ces crimes et leurs familles. Au moment même où les tueurs enlèvent les vies de leurs victimes, ils mettent fin à leurs propres vies et détruisent leurs propres familles.

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