Les auteurs s’adressent au premier ministre François Legault, au ministre de la Santé, Christian Dubé, et au directeur national de santé publique, Horacio Arruda.

Messieurs, nous sommes interpellés par le maintien du report à quatre mois de la deuxième dose du vaccin contre la COVID-19 chez certains groupes prioritaires, alors que les doses du vaccin envahissent le marché canadien et que la vaccination de masse a été enclenchée, plus tôt que prévu, depuis le début du mois de mai.

Le Québec était parmi les premiers au Canada à reporter l’administration de la deuxième dose du vaccin à quatre mois. Début février, le Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ) a recommandé, en contexte de pénurie de vaccins contre la COVID-19, d’offrir une première dose au plus grand nombre de personnes appartenant aux six premiers groupes prioritaires. Les autorités fédérales désapprouvaient cette stratégie mais se sont ralliées à la position du Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI).

La décision n’est pas partagée par tous et en particulier à l’extérieur du pays, si on examine les recommandations des compagnies Pfizer et BioNTech, des pays européens autres que la Grande-Bretagne (trois mois), de la Food and Drug Administration (FDA), des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). On attend des données probantes.

Face aux éclosions dans des hôpitaux et CHSLD et aux pressions exercées, vous avez donné la deuxième dose. Depuis le 8 mai, c’est au tour des résidences privées pour aînés. Qu’en est-il des autres groupes prioritaires ?

Selon les articles scientifiques, nous ne connaissons pas vraiment la durée de l’immunité produite par les deux doses et comment le timing des doses affecte l’immunité de personnes âgées et immunodéprimées, qui comptent pour un grand nombre des hospitalisations. Certains experts s’inquiètent aussi de la possibilité pour le virus de développer une mutation en s’attaquant à des sujets vaccinés, mais insuffisamment protégés. La situation en Inde nous interpelle sur l’efficacité des vaccins face aux derniers variants. Une troisième dose est-elle envisagée comme en Grande-Bretagne pour les 70 ans et plus à l’automne ?

On se réjouit de la campagne de vaccination de masse, mais on craint les dérives. Sans communication soutenue et claire du gouvernement sur l’importance de garder les gestes barrières et de ventiler de façon adéquate les lieux fermés, certains se sentiront suffisamment protégés avec la première dose pour ne plus suivre aucune règle de protection puisque le message de votre gouvernement mise sur l’efficacité très élevée d’une première dose. Ceci est d’autant plus probable avec l’arrivée de l’été, des vacances, et apparaîtra largement lors de la vaccination des plus jeunes.

Étant donné les livraisons importantes de doses et des incertitudes liées à la décision de retarder la deuxième dose, l’annulation du report de la seconde dose à quatre mois s’impose chez tous les groupes prioritaires.

Nous comprenons les besoins économique et psychologique d’ouverture aux vacances et aux regroupements dans un plan de déconfinement. Ceci explique sans doute le démarrage plus hâtif de la vaccination de masse avec la vaccination des plus jeunes. Une couverture vaccinale complète et immédiate pour tous les groupes identifiés comme prioritaires, incluant les 80 et 70 ans et plus, vivant à domicile, ayant pour plusieurs des comorbidités, semble primordiale dans ces circonstances. Ils présentent une réponse immunitaire plus faible après une première dose. La deuxième dose ne peut plus être retardée. Certains rendez-vous ont même été modifiés en cours de route. Les rendez-vous se situent le plus souvent à la fin de juin et en juillet.

Rappelant les principes de solidarité, l’OMS vient de recommander de ne pas commencer à vacciner les enfants contre la COVID-19 avant que tous les pays aient pu vacciner les populations âgées et à risque. Seuls 4,4 % de la population du Québec bénéficie d’une couverture vaccinale complète.

Dans votre vaste opération de vaccination, nous vous demandons ainsi l’annulation immédiate du report de la deuxième dose pour tous les groupes prioritaires. Nous tenons à vous remercier pour tous les efforts consentis, votre leadership et votre empathie envers la population.

* Cosignataires : Réjean Hébert, professeur titulaire à l’ESPUM, chercheur, médecin-conseil ; François Béland, professeure titulaire, ESPUM ; André-Pierre Contandriopoulos, professeur émérite, ESPUM ; Isabelle Paquette, gérontopsychiatre, CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, professeure agrégée de clinique, Université de Montréal

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