Pendant que le gouvernement du Québec développe une stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires, la Ville de Montréal lance les consultations sur son prochain plan d’urbanisme et de mobilité. L’Institut de développement urbain du Québec y a participé et nous offrons ici quelques-unes de nos réflexions sur l’avenir de la Ville qui s’inscrivent en continuité de celles que nous avons exprimées relativement à la stratégie nationale de Québec.

En lançant la démarche vers une vision 2050, la Ville a tenu trois ateliers de travail. Un premier, portant sur les leçons du passé, nous a permis de constater que les grands succès comme la Cité internationale, le Quartier des spectacles ou l’abaissement de Bonaventure ont pu compter sur la collaboration financière des autres ordres de gouvernement.

Un deuxième atelier cherchait à dégager les grandes tendances. Elles peuvent se regrouper en trois dimensions. Une première, environnementale, impliquant des solutions de mobilité. Une deuxième, sociale, supposant la création de quartiers comptant sur la mixité sociale, générationnelle et fonctionnelle. Puis, une troisième dimension, d’ordre économique, s’attardant à la nécessité de renforcer l’attractivité de Montréal.

Enfin, invités à présenter une vision d’avenir lors d’un troisième atelier, nous l’avons illustrée comme un parcours citoyen « du quartier à la ville ». Un quartier où l’on peut, en 15 minutes, à pied ou à vélo, bénéficier d’une grande variété de services publics et privés tout en ayant accès aux atouts de la ville en 30 minutes au moyen de transports collectifs performants.

L’enjeu de la mobilité

Penser le territoire à moins de 30 ans de la cible de carboneutralité fait de la réduction des émissions de GES un sujet incontournable tant pour Montréal que pour le gouvernement du Québec. Il faut éviter l’étalement urbain et organiser les autres options à l’auto solo.

Le prolongement des lignes de métro bleue et orange, le REM 1.0 et 2.0 ainsi que le tramway de Lachine démontrent que nous sommes sur la bonne voie. Cela dit, il y a devant nous des enjeux financiers que nous osons à peine évoquer, mais qu’il faudra bien régler.

Déjà aujourd’hui, les fonds municipaux ne suffisent pas et la situation climatique commande un développement du réseau. Les gouvernements du Canada et du Québec devront investir massivement. Par ailleurs, la contribution des automobilistes devra graduellement être rehaussée au fur et à mesure de l’accroissement de l’offre et de la fréquence. La taxe kilométrique doit faire partie du discours dès maintenant si nous souhaitons l’implanter plus tard.

Vivre ensemble

Le long des parcours de transports structurants doivent apparaître des quartiers complets et pour tous. Pour soutenir une offre variée de services publics et privés et répondre aux besoins en habitation déjà criants ainsi qu’à la croissance démographique prévue, il faut densifier la ville. Le gouvernement du Québec ne peut plus investir sans se préoccuper d’un maximum de retombées, que ce soit pour les écoles, les services de santé ou d’autres services de nécessité. Il doit considérer le coût en fonction du nombre de bénéficiaires.

Des quartiers complets, ce sont aussi des espaces verts, des parcs, des sentiers piétons et des pistes cyclables. Afin de libérer l’espace pour offrir ces atouts, nous ne pouvons pas penser la densité à l’horizontale. Il ne s’agit pas de faire de grandes tours partout. À certains endroits, certainement. Ailleurs, 6, 8, 12 ou 20 étages seront mieux adaptés.

Sur la route des changements climatiques, le prochain Plan d’urbanisme et de mobilité doit reposer sur une orientation claire, affirmée et assumée ; il doit viser une densification des milieux de vie.

La vie de quartier s’enrichit de la pleine participation de tous. Une mixité sociale et générationnelle doit être atteinte. Montréal doit la planifier, Québec doit la financer. L’État doit rehausser vigoureusement ses efforts en habitation sociale et abordable. Nous ne pouvons pas continuer avec la situation actuelle où Montréal, déjà aux prises avec un coût du foncier plus élevé, adopte une mécanique contre-productive qui augmente les frais de développement et repousse la construction de logements hors de son territoire.

L’attractivité économique

Le centre-ville de Montréal, c’est la résidence des sièges sociaux. Après la pandémie, son effervescence lui redonnera le souffle dont il a besoin pour jouer son rôle de locomotive économique du Québec.

Le potentiel économique de Montréal déborde largement du centre-ville. Les discussions concernant le REM 2.0 ont fait réapparaître une nouvelle fois les possibilités de l’est de Montréal. Mais, comme l’ont fait remarquer de nombreux participants aux laboratoires d’innovation de la démarche de la stratégie nationale sur le territoire, les coûts du développement d’un site excentré et jamais développé demeurent moindres que les coûts de redéveloppement. Encore une fois, pour éviter l’étalement, il y a lieu de tenir compte de cette réalité et d’agir.

Les autorités doivent adopter une approche d’accompagnement financier gagnant-gagnant pour élever d’un cran l’attractivité de Montréal. À ce titre, nous pourrions, par exemple, majorer l’aide à la décontamination de terrains en attente de revalorisation depuis trop longtemps.

Que ce soit à l’est ou ailleurs, Montréal doit donner un signal invitant aux investisseurs d’ici et de l’extérieur. La récente idée de créer une cellule facilitatrice constitue un pas dans cette direction.

Agir maintenant

Les réflexions du gouvernement et de Montréal doivent nous guider vers 2050. Les défis climatiques ne seront relevés qu’au prix d’une collaboration nouvelle entre les ordres de gouvernement. Par ailleurs, les autorités publiques doivent associer l’investissement privé à la démarche en adoptant les mesures incitatives appropriées pour multiplier les projets durables et les constructions carboneutres. Dans le respect de nos choix québécois, Québec devrait interpeller le gouvernement fédéral pour soutenir ce grand virage. Montréal, comme les autres villes, doit pouvoir compter sur une fiscalité revue et des transferts financiers suffisants. Nous avons une destination à atteindre en moins de 30 ans ; nous devons nous y mettre ensemble, dès maintenant.

> Lisez « Crise climatique et occupation du territoire : un regard national »

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