Les textes « Sortir de la boîte »* et « La détresse des jeunes trans »** relatent des histoires émouvantes et dramatiques de jeunes s’identifiant transgenres. Les témoignages illustrent la détresse de ces jeunes qui les mène parfois jusqu’au suicide. Quoi de plus grave comme enjeu de société et de santé publique ?

Que des jeunes mettent fin à leurs jours est une question extrêmement préoccupante qui doit être traitée avec compassion, mais également avec toute la rigueur nécessaire. Pour faire œuvre utile, ce sujet doit aussi être abordé sous l’angle de la science, des données probantes et des meilleures approches thérapeutiques.

Lorsqu’une jeune personne met fin à ses jours après avoir transitionné, il y a lieu de se poser des questions : le diagnostic de santé mentale a-t-il été bien posé ? La transition était-elle la meilleure solution pour apaiser la détresse psychologique de cette personne ?

Par ailleurs, la société ne devrait-elle pas mettre des balises face aux interventions médicales lourdes et invasives de transition vers l’autre sexe qui, faut-il le rappeler, ne sera jamais « complète » au sens biologique et fonctionnel du terme ?

De nombreux pays font marche arrière en matière d’approche affirmative du genre, reconnaissant qu’il n’y a pas assez de données probantes justifiant une médicalisation précoce des jeunes. Au Royaume-Uni, un jugement (affaire Keira Bell) a statué qu’un mineur de moins de 16 ans ne peut donner un consentement éclairé à un traitement aux bloqueurs de puberté qui se poursuit presque systématiquement par l’administration d’hormones sexuelles et dont les effets secondaires à long terme peuvent être graves (infertilité, ostéoporose, thromboses, maladies cardiovasculaires, etc.). La Suède vient d’ailleurs de mettre fin à de tels traitements pour les moins de 18 ans1. Quant à la Finlande, elle privilégie maintenant des approches différenciées selon que la dysphorie du genre se manifeste à un très jeune âge ou à l’adolescence, deux situations bien différentes, tel qu’en témoigne d’ailleurs l’histoire des deux sœurs dont il est question dans l’article de La Presse**.

La transition, solution contre le suicide ?

Il faut être très prudent avant de tirer des conclusions en matière de suicide, et surtout veiller à ne pas renforcer certaines idées toutes faites qui nuisent à la compréhension globale de la situation.

En particulier, il n’existe aucune étude probante permettant de conclure à l’amélioration de la santé mentale à la suite d’une transition médicale. À ce sujet, deux études récentes (GIDS2 et NICE3 du Royaume-Uni) concluent qu’il n’y a pas d’amélioration psychologique, de la qualité de vie ou du degré de dysphorie de genre chez les adolescents à la suite de la prise de bloqueurs de puberté. Selon le DWill Malone, professeur d’endocrinologie et l’un des 100 médecins de la Society for Evidence-Based Gender Medicine, « rien ne prouve que la transition réduise le nombre de suicides si l’on regarde au-delà de 10 ans, et il semblerait même que les taux de suicide augmentent une fois que la phase de lune de miel de la transition est terminée »4.

Notons que des chercheurs de Yale ayant faussement conclu que les opérations de réassignation sexuelle réduisaient les problèmes d’anxiété et de tentatives de suicide ont dû réécrire leur conclusion pour dire que l’étude n’avait pas démontré cela5.

La Dre Danuta Wasserman, professeure de psychiatrie à Stockholm et experte mondiale en matière de suicide, rappelle l’évidence dans l’article de Medscape cité plus haut : « On conseille toujours aux gens d’éviter de prendre des décisions qui changent leur vie lorsqu’ils sont déprimés, anxieux ou en deuil. Nous savons que de nombreuses personnes transgenres souffrent d’anxiété et de dépression profonde. De quelle aide ont-elles besoin ? Les preuves montrent clairement, dans la prévention du suicide, que nous avons besoin d’une thérapie conversationnelle pour les jeunes avant, pendant et après la puberté. »

Par ailleurs, on laisse entendre dans les textes que le regard des autres et la discrimination seraient des raisons déterminantes de la détresse des jeunes ne s’identifiant pas à leur sexe biologique. Pourtant, une étudemenée auprès de 237 personnes ayant abandonné leur transition révèle que le rejet et la discrimination ne sont pas des facteurs jouant un rôle déterminant dans leur « détransition ».

Le bien-être de nos jeunes est notre priorité à tous. Mais si les solutions qu’on leur propose sont motivées par des idéologies, des idées toutes faites qui ne sont jamais débattues, jamais remises en question, on ne leur rend pas service, même avec les meilleures intentions du monde. Pour atteindre cet objectif, la condition première est d’être à l’écoute de chaque jeune et de rechercher, au-delà de la compassion, les raisons du malaise et l’approche la plus appropriée à chacun tout au long de sa vie. Comme le dit le serment d’Hippocrate : « Avant tout, ne pas nuire. »

1 Lisez un article sur le sujet (en anglais)

2 Consultez l’étude de GIDS (en anglais)

3 Consultez l’étude du NICE (en anglais)

4 Lisez un article sur le sujet

5 Consultez l’article (en anglais)

6 Consultez l’étude (en anglais)

* (Re)lisez la chronique de Mario Girard, « Sortir de la boîte »

** (Re)lisez le dossier « La détresse des jeunes trans »

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