Il y a quelques jours, des travailleuses de la construction ont dénoncé l’injustice qu’elles vivent en raison de leurs conditions d’emploi qui leur limitent l’accès au Programme pour une maternité sans danger1. En effet, les femmes enchaînant les contrats et œuvrant dans certains domaines rencontrent des difficultés particulières lorsqu’elles souhaitent exercer leur droit de retrait préventif. De plus, la discrimination fondée sur la grossesse constitue un réel problème dans l’industrie de la construction2.

Pour résoudre cette injustice, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, avance qu’il n’est pas souhaitable de renforcer la Loi sur la santé et sécurité du travail pour favoriser l’inclusion de ces travailleuses. Il préfère, à l’instar des représentants patronaux, interpeller le Conseil de gestion de l’assurance parentale et le gouvernement fédéral responsable de l’assurance-emploi3.

Ces solutions envisagées par le ministre montrent qu’il opte pour la conception patronale : réduire les responsabilités des employeurs en matière de santé et de sécurité au travail et transférer les coûts aux contribuables. Une conception qui met en péril une réelle modernisation du régime de santé et sécurité et l’objectif d’une meilleure protection des travailleuses.

Pour une pleine application du droit de retrait préventif

Rappelons que l’objectif du droit de retrait préventif est d’assurer aux travailleuses enceintes ou qui allaitent un maintien en emploi dans des conditions saines et sécuritaires sans perte de bénéfice. Lorsqu’il est impossible d’assurer de telles conditions et sur avis d’un médecin, une travailleuse peut arrêter de travailler et recevoir une indemnité de remplacement de revenu qui équivaut à 90 % de son salaire net. Les employeurs assument collectivement les coûts liés à ce programme, indépendamment du nombre de travailleuses enceintes ou qui allaitent qu’ils ont dans leurs organisations.

Rappelons également que les femmes représentent près de la moitié de la population active du Québec et qu’il est mal avisé de concevoir encore leur revenu comme un salaire d’appoint.

En ce sens, nous sommes d’avis que l’accès au droit de retrait préventif des travailleuses ne devrait pas dépendre du statut d’emploi et que les protections du régime en santé et sécurité du travail devraient être véritablement universelles. En fait, comme l’indemnité de remplacement de revenu en cas de retrait complet du travail est versée par l’ensemble des employeurs, ces prestations pourraient très bien continuer d’être versées aux travailleuses enceintes ou qui allaitent qui subissent des changements à leur lien d’emploi, et ce, jusqu’à la date prévue de l’accouchement.

Mettre un terme à la discrimination

Même si la situation de grossesse est un motif interdit de discrimination depuis plusieurs décennies, force est de constater qu’en 2021, des iniquités marquent toujours le marché du travail et que peu d’employeurs s’engagent volontairement dans les efforts d’inclusion des femmes sur le marché du travail.

C’est pourquoi nous insistons sur le fait qu’il n’est pas souhaitable d’exclure des travailleuses des bénéfices de la Loi sur la santé et sécurité du travail en raison de leur état de grossesse ou de leur statut d’emploi. Ce serait non seulement injuste, mais discriminatoire.

Tristement, la réponse du ministre Boulet à ces travailleuses est représentative de la perception qui a cours depuis trop longtemps dans nos sociétés, à savoir que le travail des femmes vaut moins que celui des hommes.

1 Lisez « Des travailleuses de la construction dénoncent un programme injuste » (TVA)

2 Lisez « Quand une grossesse provoque un congédiement… » (Radio-Canada)

3 Lisez « Retrait préventif : le ministre Jean Boulet préoccupé par la situation des travailleuses de la construction » (Journal de Québec)

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion