J’ai une petite pensée pour les coronasceptiques, cette semaine, alors que la campagne de vaccination bat son plein. Surtout pour ceux qui se sont fait aller la gueule bruyamment, que ce soit sur les réseaux sociaux ou en privé auprès de leur entourage.

Dans la dernière année, vous avez émis beaucoup de certitudes. Et quand on émet des certitudes, à moins d’avoir la maturité et le recul qui nous permettent de rapidement reconnaître notre erreur lorsqu’on s’est trompé, il est bien souvent difficile de reculer par la suite. C’est l’orgueil qui prend la relève.

Et au cours de ces 14 derniers mois, on ne peut pas dire que vous avez reculé souvent. Au lieu de ça, vous enchaîniez les dossiers brûlants sans jamais les mener à terme pour autant. Tour à tour, vous les abandonniez aussitôt que vous réalisiez qu’ils vous faisaient perdre en crédibilité et vous vous empressiez de sauter sur le dossier suivant. Ah ! C’était pas la 5G finalement ? Ok ! Tournons-nous vers le modèle suédois ! Ah, la Suède s’est ravisée ? Ok alors, Bill Gates est un pédophile ! Ni vu ni connu. Des préoccupations qui, à la vitesse à laquelle vous les reléguiez aux oubliettes, n’en étaient pas vraiment en fin de compte. Des urgences nationales pas si urgentes que ça, puisque rapidement mises de côté, mais qui ont tout de même valu aux instances politiques d’être taxées de pédosatanisme et à vos concitoyens d’être qualifiés de peureux et de moutons. Et tout ça, sans excuses ni mea culpa. Jamais.

Après tout, nous serions en droit d’exiger des comptes de votre part. C’est nous qui avons fait les frais de votre agressivité et de votre méchanceté pendant plus d’un an sur les réseaux sociaux. Comme si la lente crise que nous traversons n’était pas assez éprouvante comme ça. Certains d’entre vous ont fait montre d’une implacable cruauté envers des gens qui se disaient inquiets d’attraper le virus ou à qui ce dernier venait d’arracher un parent, un salaire ou un toit. Et tout ça pour quoi, finalement ?

Tant de certitudes et de combativité pour si peu de constance et de rigueur.

Je ne dis pas ça pour me moquer. Je comprends d’où cette colère vient et certaines de vos inquiétudes sont fondées. Mais avant d’aller au front, vous avez omis de vous armer d’un important outil : l’humilité. Elle vous aurait permis, par exemple, d’admettre au fur et à mesure que vos prophéties ne se sont jamais réalisées ou de réparer des amitiés brisées par une hostilité quasi sectaire.

À la place, l’orgueil s’est emparé de vous. Vous vous y êtes enlisés pendant 14 mois. Et vous avez causé beaucoup de tort à des personnes qui n’ont fait qu’écouter la science, tout en se posant les mêmes questions que vous. Cette absence d’humilité vous a empêchés d’isoler vos dossiers, de les traiter indépendamment les uns des autres et vous a poussés à créer des amalgames impossibles entre des éléments qui n’ont qu’en commun votre sentiment très vif de vivre sous une dictature sanitaire.

On vous a affublés de tous les noms : covidiots, touristatas, connarovirus. Ça ne vous a certainement pas aidés à prendre un pas de recul. Je comprends. Si vous admettiez vous être trompés, vous auriez peut-être l’impression de donner raison à ceux qui se foutent de votre gueule depuis des mois.

Mais je vais vous dire un truc. J’ai cheminé suffisamment pour être en mesure aujourd’hui de piler sur mon orgueil et de reconnaître que j’ai tort très rapidement, même lorsque mon erreur m’est relevée par une personne qui me veut du mal ou qui m’injurie. Au final, c’est moi qui gagne à être honnête envers moi-même. Si les autres ont envie de s’imaginer qu’ils ont réussi à me faire plier, ça leur appartient. Moi, je grandis, et c’est la seule chose qui puisse importer vraiment.

Cela dit, je conviens parfaitement que tout le monde ne chemine pas au même rythme ni ne part du même endroit. Mais je peux vous assurer d’une chose : l’humilité ne fait de mal à personne. L’orgueil, oui.

L’illusion du coût irrécupérable

En anglais, on parle de sunk cost fallacy (ou illusion du coût irrécupérable) lorsqu’on a investi tellement de temps ou d’argent qu’on s’entête à faire aboutir un projet coûte que coûte même quand on se frappe à l’évidence que celui-ci n’en vaut plus la peine. Par exemple, se forcer à finir un repas coûteux qui nous occasionne des nausées seulement pour se faire croire qu’on n’a pas déboursé cet argent pour rien.

Dans les prochaines semaines, vous serez confrontés à l’illusion du coût irrécupérable. La vaccination massive étant entamée, les réseaux sociaux seront bombardés de photos d’humains souriants qui auront reçu leur première dose. Peut-être penserez-vous que vous n’y avez pas droit. À force d’insulter, de menacer et de nier la gravité de ce virus, vous avez peut-être perdu gros. Des amis, un emploi, une réputation. Mais ce n’est pas une raison pour s’entêter à aller jusqu’au bout du délire seulement parce que vous l’avez nourri durant des mois. Il n’est pas trop tard pour reculer. Il est tout à fait possible de trouver que les mesures sanitaires actuelles sont excessives et d’aller se faire vacciner quand même. L’un n’empêche pas l’autre. Ne laissez pas votre orgueil vous priver d’une protection sûre et efficace contre un virus mortel. Ce serait nono et malheureux. Allez-y.

Ça ne fera pas de vous des peureux, promis. Quand je verrouille la serrure de ma porte avant d’aller au lit, c’est simplement pour fournir un obstacle supplémentaire à quiconque tenterait de faire irruption chez moi et non pas parce que je vis dans la peur constante d’être cambriolé.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion