Contre mauvaise fortune, bon cœur. En dépit de toute la souffrance psychologique qu’elle a infligée dans la population, la pandémie nous offre une occasion unique d’aborder la stigmatisation de gens qui souffrent de troubles mentaux.

Jamais n’a-t-on autant parlé de santé mentale aussi abondamment dans un contexte d’épreuve collective ; on sait combien de victimes la grippe espagnole a faites, mais on en sait très peu sur les conséquences et sur le bien-être des gens qui ont traversé cette épreuve.

Tous ceux qui en sont victimes vous le diront : les effets de la stigmatisation sont loin d’être des vues de l’esprit.

Dans un article de la revue scientifique The Lancet publié en 2016, on souligne que la souffrance que la stigmatisation occasionne chez les gens qui en sont victimes, ainsi que son internalisation (l’autostigmatisation) s’ajoutent littéralement à la souffrance découlant des troubles mentaux eux-mêmes. Pire encore, la stigmatisation a un effet négatif sur les pronostics des personnes qui en souffrent. Tout comme la maladie dont elles sont atteintes, les personnes aux prises avec un trouble mental mettent des années à la dompter.

Pour une véritable déstigmatisation

Compte tenu de la gravité du problème, on doit se réjouir du fait que de plus en plus de personnes portent le message de s’attaquer à la stigmatisation. Seulement, sans faire le travail de compréhension de la maladie qui peut réellement changer les mœurs et les pratiques, on risque de s’en tenir à ce que l’on pourrait nommer de la déstigmatisation de surface, c’est-à-dire reprendre un slogan en vogue sans faire face à une réalité qui est nécessairement plus complexe.

Les comportements des personnes malades peuvent être troublants pour quiconque en est témoin. Il est tout à fait légitime de ressentir un malaise face à l’altérité de quelqu’un qui nous bouleverse.

Une personne qui ne sort pas de son lit, qui s’isole des autres, qui a un problème de consommation… la maladie mentale fait peur. Or, on doit accueillir cette peur de manière décomplexée tout en gardant en tête le fort potentiel de rétablissement des personnes malades.

Dans les mois précédant et suivant mon hospitalisation, mon comportement instable se traduisait par des changements d’humeur prononcés et par de l’irritabilité aiguë qui troublaient les gens qui m’entouraient, avec raison. C’est en me rétablissant et en ayant le parcours stable qui est le mien depuis plusieurs années que je vois maintenant ma maladie pour ce qu’elle est, un bouleversement exténuant, mais réversible. Bref, il faut voir la maladie dans un continuum, qui n’écarte pas la souffrance, mais qui fait la place qui lui revient au rétablissement.

La science qui nourrit l’espoir

L’espoir que cultivent tous ceux qui s’accrochent s’adosse maintenant aux connaissances d’études scientifiques. Dans une revue de la littérature scientifique, Gerald Jordan, de l’Université McGill, et ses coauteurs, mettent en lumière les effets positifs qui peuvent succéder à l’expérience souvent traumatisante d’un des troubles mentaux les plus graves, un premier épisode psychotique. Ainsi, parmi les études qui ont été publiées, certains participants, une fois la tempête passée, disaient avoir eu l’occasion de réorienter leur vie selon des buts qui leur étaient maintenant plus chers. D’autres individus se comprenaient mieux et s’acceptaient plus.

Même les membres de famille qui les avaient aidés dans la tourmente tiraient des bénéfices de cette expérience en se rapprochant et en développant des relations plus profondes.

Ces bénéfices, ma famille et moi en jouissons quotidiennement depuis que les nuages se sont écartés de mon chemin il y a cinq ans.

Ces découvertes laissent entrevoir ce que devrait être notre perception de la maladie mentale, soit un épisode malheureux dans la vie de quelqu’un qui, loin de l’essentialiser, lui apprend à mieux se connaître. À l’image d’une pandémie, la maladie est une expérience certes très éprouvante, mais féconde de nouvelles perspectives.

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