La naissance de mon fils m’a invitée à me questionner plus intensément sur la transmission de l’héritage lié à la Nation W8banaki (abénakise) aux plus jeunes générations. J’en suis rapidement venue à la conclusion que l’apprentissage de l’aln8ba8dawaw8gan (langue abénakise) était le pilier central d’importance. Seul hic : je ne le maîtrisais pas moi-même, ni personne de ma famille immédiate d’ailleurs. J’avais appris quelques mots et expressions, mais sans plus. À la maison, j’interagissais avec mes parents et mes grands-parents uniquement en français.

Depuis la naissance de mon fils, j’ai donc cherché à intégrer le plus de référents possible de la langue de nos ancêtres, tout en étant moi-même dans une démarche de réappropriation. Ça demande beaucoup d’efforts, de patience et d’indulgence d’apprendre une langue où il n’existe plus de bassin d’immersion qui ferait en sorte d’accélérer nos apprentissages respectifs. Reste qu’aujourd’hui, je suis particulièrement fière que, du haut de ses 4 ans, mon fils sache plus de mots dans notre langue que moi à pareil âge.

PHOTO FOURNIE PAR L'AUTEURE

Atlàn, 4 ans

En plus des efforts soutenus à la maison, mon fils a aussi le privilège de favoriser ses apprentissages au sein du CPE Aw8ssisak situé à Odanak, qui, vous pouvez le présumer, a fait une grande place à divers référents liés à la culture abénakise. Le plus beau dans tout cela, c’est que les enfants autant abénakis que non abénakis sont exposés à ces référents. Ils se les approprient donc et cela fait partie de leur quotidien. Ils apprennent des mots et des chants, fabriquent des objets, jouent du pakholigan (tambour) et avec un sisiwan (hochet), se font raconter des contes et des légendes dans la plus grande normalité.

Je vous avoue que, pour moi, cette inclusion de la culture au sein d’un endroit où mon enfant passe beaucoup d'heures par semaine était essentielle.

À preuve, je n’ai même pas inscrit mon fils sur une liste d’un autre service de garde. C’était là ou rien. Mais cette étape dans la vie de mon fils arrive déjà à échéance. Dans quelques mois, il commencera son parcours dans le réseau scolaire. Ça m’inquiète un tantinet, puisque cette normalité liée à l’inclusion de référents abénakis dans le réseau scolaire n’existe pas encore, ou du moins, encore très peu. Pour être réellement effective, cette inclusion, à mon sens, doit se faire en continu, de façon ludique, positive et intégrée à diverses matières. Je sais qu’il y a déjà bien des attentes envers le réseau scolaire et l’idée n’est pas de détourner les apprentissages nécessaires, mais plutôt de continuer l’acquisition des apprentissages du CPE, comme celui situé à Odanak, dans le milieu scolaire.

J’ai bon espoir que c’est possible. D’autant plus que nous sommes nombreux autant au sein de la Nation qu’au sein du réseau scolaire à nous investir dans cette direction.

Je souhaiterais tant aller chercher mon fils dans la cour d’école et surprendre des conversations telles que celles que j’entends en ce moment au CPE : « Les bébés sont les Tolba [tortue], nous, nous sommes grands, nous sommes les Meg ! » (Le groupe des 4-5 ans fait dans le slang abénakis en se nommant Meg pour Mgezo (aigle) !)

Avouez que c’est trop beau !

Wliwni (se dit olé-oné), merci !

Wli nanawalemezi ! Prends bien soin de toi !

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