Alors que le Québec fait face à une vague importante de féminicides, nous prenons conscience de tout le chemin qu’il reste à parcourir pour déceler les comportements abusifs et violents, les dénoncer et, ultimement, les éradiquer.

Au tournant des années 70-80, grâce au mouvement des femmes, le Québec a été conscientisé à l’urgent besoin de venir en aide aux femmes vivant de la violence conjugale. Le réflexe naturel de la société québécoise a été, et cela était alors tout à fait justifié, d’aider les femmes victimes de violence de la part de leur conjoint à se sortir de ces cercles vicieux. Les gouvernements ont investi dans des ressources d’aide, dont les maisons d’hébergement, qui peinent actuellement à répondre à la demande.

Bien que la hausse des appels à l’aide puisse s’expliquer en partie par le contexte pandémique actuel, alors que le confinement, l’isolement et les pertes d’emploi ont affaibli les filets de sécurité sociale, économique et familiale des femmes, le problème n’est pas récent.

La violence conjugale est inacceptable. Il est plus que temps que l’on s’attaque sérieusement à l’autre côté de la médaille, celui des hommes, sans pour autant amoindrir le travail fait auprès des victimes, qui demeure plus qu’essentiel.

En tant que président de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, je suis d’avis que les professionnels présents dans tous les secteurs de la société ont un rôle important à jouer en matière de prévention, de sensibilisation, de dépistage des comportements à risque et d’intervention auprès des femmes victimes de violence, de leurs enfants, mais également auprès de ces hommes, qui ont souvent tendance à nier leurs comportements contrôlants.

Prévention et soutien

Cela dit, dans le cas de la violence conjugale, comme pour tout autre problème social, les efforts des intervenants doivent être soutenus par des politiques sociales axées sur la prévention et le soutien aux organismes qui viennent en aide aux femmes et à ceux qui ont pour mission d’aider les hommes ayant des comportements contrôlants ou violents. Ces organismes font un excellent travail, mais il est temps d’augmenter substantiellement leur financement afin qu’ils puissent répondre aux listes d’attente qui ne cessent de s’allonger. Il nous apparaît également nécessaire de mettre en place, dans toutes les régions du Québec, un service d’aide offert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ainsi que des ressources d’hébergement réservées aux hommes violents ayant besoin de soutien.

Le temps est venu pour les hommes québécois de se lever, de se mobiliser, de se prendre en main et de reconnaître que la société québécoise repose toujours sur un modèle patriarcal où la domination de l’homme sur la femme se faufile encore insidieusement dans les rapports humains, économiques et sociaux.

Pour rompre une bonne fois pour toutes le cycle de la violence, tous doivent mettre l’épaule à la roue.

C’est en abordant le sujet haut et fort que les hommes briseront les tabous qui persistent, non seulement sur la violence conjugale en elle-même, qu’elle soit physique, verbale ou psychologique, mais aussi sur certains des facteurs qui y sont associés, comme les sévices subis dans l’enfance, la difficile gestion des émotions, l’usage de drogues ou d’alcool ou les enjeux de santé mentale.

Briser ces tabous ne se fera pas du jour au lendemain, mais il s’agit de la clé. Pour y arriver, nous devons avoir un débat social franc sur le sujet. Les hommes doivent s’approprier l’enjeu, reconnaître et condamner la violence conjugale même dans ses formes les plus subtiles, la comprendre et en discuter avec leurs fils, leurs amis, leurs collègues, mais aussi avec leurs filles et les femmes qui les entourent. La responsabilité de l’éducation, de la prévention et de la lutte contre la violence conjugale ne peut plus reposer que sur les femmes. La solution, au bout du compte, doit aussi venir des hommes.

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